Compte-rendu de courseCoursesNews

Pologne nouvelle nation de Swimrun ?

Ma “carrière” de sportif a bel et bien débuté dans mon pays d’expatriation. En Pologne depuis une décennie, je pratique le VTT, la course à pieds et le triathlon depuis quelques années; j’ai ma “life” et mes potes désormais ici, dans le microcosme sportif de la ville de Wrocław. Ma rencontre avec le Swimrun se fit sur Youtube au hasard de déambulations, regardant des vidéos de triathlon, début 2016, et ou le fil conducteur me mena par hasard a un swimrun Xterra du Danemark….

“Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ?!”

Je “googlais” aussitôt et en appris davantage, tout en visionnant de nouvelles vidéos de swimruns, en Scandinavie et ailleurs…Le concept m’avait tapé dans l’œil. Je mis la main aussi sur ce qui était à l’époque le calendrier international, encore restreint, de ce type d’épreuve. Pologne ? Néant. France ? Quasi néant. Le plus proche ? Rheinsberg, au Nord de Berlin. Curiosité aidant, et cherchant un bon plan pour un long weekend de Juillet avec ma femme et mon fils, c’est ainsi que je pris part à mon premier swimrun l’an passé, sur distance sprint, de manière un peu “anticipée sur mon temps”. L’épreuve me plut énormément.

Cherchant toujours sue internet de manière de plus en plus ciblée, je découvrais que malgré la méconnaissance totale de ce sport en Pologne, un petit groupe de personnes y avait déjà participé comme moi, à l’étranger. Un groupe Facebook vit le jour, “Swimrun Polska“. Fin 2016, j’eus le privilège d’apprendre qu’un swimrun Polonais était en préparation à Solina, et que j’étais invité à une “édition zéro”, expérimentale. A laquelle, hélas, je ne pus prendre part, ne l’apprenant que sur le tard, et aussi la distance…

2017 marqua la vraie éclosion de ce sport en Pologne, avec non moins de 4 épreuves, deux petites a Sumin et Bydgoszcz, et deux sur longue distance, à Wióry dans les monts Świętokrzyskie, l’autre étant l’épreuve reine promise à Solina. Ayant avant même sa première édition, acquis le statut de ” ÖtillÖ merit race”, c’est à dire course qualificative pour le championnat près de Stockholm !

Malheureusement, pour des aléas calendaires malchanceux (saison de la pêche à Wióry au printemps), il s’avéra que ces deux épreuves avaient lieu presque au même moment, à 6 jours d’intervalle. Je me dis au départ que je ne pourrais tout faire à la fois et que puisqu’il faudrait choisir, ce serait Solina, car j’en rêvais, et qu’un coéquipier était déjà trouvé.  Je changeai mes plans lorsque Jędrek, organisateur du “Goswimrun” à Wióry et l’un des swimrunners Polonais les plus expérimentés (Rockman, Hvar, 1000 lakes) me proposa une invitation gratuite.

Deux swimruns sur longue distance à six jours d’intervalle… Cela sentait le défi, mais j’aime les défis ! Je me mis à la recherche d’un partenaire pour Wióry, et je le trouvai en la personne de Sam, un Belge francophone habitant à Nysa et pratiquant lui aussi le triathlon, rencontré il y a deux ans au hasard d’une course; on a depuis gardé contact et nous voyons régulièrement lors d’épreuves diverses. Ayant des niveaux similaires en course et nage, l’occasion était trop belle pour ne pas représenter la francophonie au premier swimrun Polonais, et mettre notre amitié à la rude épreuve de ce sport exigeant, et a vrai dire inconnu.

Jędrek, qui a été par le passé présentateur télé, désormais auteur d’un blog “Od grubasa do ultrasa” (“D’obese à ultra”), plusieurs triathlons extrêmes et courses trail à son actif, est un personnage haut en couleur et charismatique, qui fait connaissance avec tout le monde. Comme le monde est petit, il a fait connaissance avec le président de notre club de triathlon, le “Triathlon Mietków Team” (TMT), lui a parlé de son projet, et l’a convaincu de participer. Chose que j’avais moi-même tenté moi en vain auparavant : “Quoi ? Swimrun ? Kezako ? Tu sais, je ne suis pas fan des courses d’obstacles, survival races et tous ces trucs… ” Mieux encore il entraina dans son sillage, une dizaine d’autres participants de TMT ! Le ton était donné.

Ainsi, voilà Tomasz, Wojtek, Ernest, Marcin, Andrzej, Tomek, Dagmara, Alicia, Sam et moi sur la route de Wióry le Samedi 2 Septembre. Wióry est un lac artificiel dans la région des “Monts Świętokrzyskie”, région vallonnée faites de montagnes anciennes et peu élevées, et très rurale. Kielce, ville d’origine de Jędrek, est la plus proche agglomération.

Il a fait très chaud durant tout le mois d’Aout, et jusqu’à Vendredi il y avait canicule. Ce samedi, le ciel est bas, un vent frisquet souffle. Nous arrivons au site de l’épreuve, une rive herbeuse du lac à proximité de la digue; tentes et bannières bariolées sont sans ambiguïté, une épreuve outdoor a bien lieu ici ! Sam et moi retrouvons le reste de la troupe, et retirons notre paquet d’inscription, qui contient bonnet, badge électronique, et divers gadgets et pubs.

“Malgré tout, Sam et moi décidons de prendre le départ en simple tenue de triathlon”

Lors du briefing, nous apprenons une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que grâce à la canicule des jours précédents, l’eau est à 20’C, un niveau bien au-dessus des prévisions. La mauvaise, c’est qu’il va pleuvoir tout le Dimanche… Qu’importe, après tout le swimrun c’est fait pour être mouillé ! Nous faisons connaissances avec d’autres participants étrangers venus du “Varsovie International Triathlon Club”, le WITC, respectivement un Allemand, une Danoise, un Japonais et un Russe.

Il y a un stand de location/achat de combis Dare2Tri. Je ne suis pas certain de vouloir en acheter une, n’ayant pas l’intention du moins à court terme de participer à des épreuves nordiques. 20’C, c’est pas la mort. J’ai pris une vieille combi courte de windsurfing, au cas où. Malgré tout, Sam et moi décidons de prendre le départ en simple tenue de triathlon. Avec un haut à manches longues en plus pour moi. Pied de nez amusant face à tous les Polonais de TMT qui, craintifs, ont tous choisi de louer ! Ou, comme Tomasz, raccourci une combi de nage usagée. Ce dernier a également enfilé des chaussettes de foot avec des mousses d’isolation pour tuyauterie. Le swimrun, c’est aussi les joies du bricolage en partant dans l’inconnu…

La soirée, dans un gite agrotouristique à proximité, est très festive et animée, comme on peut l’imaginer, regorgeant d’anecdotes sur le passé, mais aussi celles qui seront sans nul doute à venir dès le lendemain !

A 8h, le départ est donné, toutes distances confondues: il y a trois catégories: longues distance (33km dont 5.5 en nage sur 10 segments), une distance sprint d’environ la moitié; cette dernière est déclinée soit en binôme soit en solo, pour la découverte. Deux de nos équipes partent sur le mini, dont la féminine. Les bonnets sont respectivement jaunes, oranges et blancs. Les chasubles arborent le logo de Goswimrun sur fond orange.

Cette foule hétéroclite, première de la sorte en Pologne, dévale la route sous les acclamations, avant de se séparer déjà, suivant la distance, dans deux directions distinctes. Nous, les longues distances, nous dirigeons vers une colline ou le plus haut point de la course se situe déjà. Tous se plaignent déjà d’étouffer de chaleur dans la combi… Excepté Sam et moi…

La descente arrive, et apparaît le lac. Moment fatidique ! Tout le monde prend le temps d’entrer dans l’eau, non sans quelques appréhensions. Il y a un kilomètre entier devant. Mais les sensations sont bonnes, l’eau est tiède. Sam et moi commençons à nager, encordés, mais mon binôme, qui teste pour la première fois la nage en chaussures et plaquettes, rencontre quelques difficultés; je suis visiblement plus à l’aise que lui, et j’assure la navigation devant. Le drapeau blanc rive opposée arrive enfin ; cet épisode de nage a clairement joué en notre défaveur, beaucoup d’équipes nous sont passées devant, mais nous nous refaisons en course à pied. Autre désarroi, je constate que les poches dans mon dos ne sont pas le meilleur endroit pour stocker mes gels, qui se sont éparpillés partout dans ma tenue…

La course à pied de ce Goswimrun est hardcore. Non seulement vallonnée, elle nous fait passer dans des endroits boueux, broussailleux, rocailleux, au milieu des roseaux… fort heureusement le balisage est irréprochable. Nous en profitons pour parler un peu de la nage; Sam me dit que la sangle l’a un peu gêné. Lors des trois sections de nage suivantes, relativement courtes, nous décidons de ne pas nous attacher, en restant à la distance règlementaire. Sam me parait crispé, je lui dis d’allonger le mouvement; visiblement, ce n’est pas son style de crawl; nager en puissance avec les plaquettes ne semble pas à son avantage.

La course à pied, qui nous fait traverser des champs, des haies, des ressauts impromptus, nous mène à l’extrémité Sud-Est du lac. Il y a là, lors du cinquième fragment de nage, un nouveau kilomètre à franchir. L’eau est plus froide, car nous sommes à l’embouchure de l’une des deux rivières qui alimentent le lac. Nous démarrons correctement, mais je sens Sam à la peine vers la mi-distance. Encordés, je passe devant, et essaie de faire traction. A la sortie du lac, je commençais à me dire que l’eau n’était quand même pas si chaude, et qu’en y sortant, sous la pluie, on a carrément froid. Sam me dit la même chose et nous commençons vite à courir pour nous réchauffer.

“You don’t look very OK, you know…”

Hélas, la sixième nage arrive rapidement; elle est moins longue mais pas courte non plus, avec 400m. Nouvel épisode laborieux. Nous sortons de l’eau un peu plus transis que le précédent. Horreur, la septième nage arrive immédiatement après, sans que nous ayons eu suffisamment de temps pour réchauffer le moteur… Episode sans aucun doute le plus difficile, et ou la solidarité du binôme en swimrun prend toute sa dimension. Sam ressort de l’eau complètement transi, grelottant. J’ai moi aussi un peu souffert du froid, mais pas autant que lui.

Le bénévole aiguillant les participants jette un œil désapprobateur : “You don’t look very OK, you know…” Il n’y a de toute manière pas grand-chose d’autre à faire : “Cours, Sam, cours, fais quelque chose, ne reste pas sans bouger !” Nous repartons sur un trot saccadé, Sam ne dit aucun mot, la parole sans doute aussi tétanisée que les jambes.

Heureusement, la portion de course suivante est longue, ce qui nous permet de retrouver des couleurs. Sam me dit qu’il ne va pas renoncer. Je lui propose d’enfiler mon haut à manches longues, ce qu’il refuse. De vrais guerriers ces Belges ! Cette portion de course est en boucle, et nous croisons en sens opposé ceux qui sont après nous, dont Tomek et Ernest, qui se sont égarés une fois et perdu un peu de temps.

La neuvième nage est anecdotique, mais la toute dernière était redoutée, car elle alignait un nouveau kilomètre. “Tu vas y arriver Sam ?” “C’est la fin, je vais pas me dégonfler maintenant !”. Le temps ne passe pas vite mais la sortie de l’eau rêvée arrive enfin. Plus proche de la retenue, heureusement, l’eau était moins froide. Nous courons les derniers kilomètres et rallions la ligne d’arrivée, sous les acclamations des supporters, et participants de la distance sprint, déjà chaudement rhabillés.

Sam et moi sommes dixièmes sur 13, ce n’est pas forcément un résultat de rêve, mais la satisfaction est là au vu des difficultés rencontrées. Tous sont stupéfaits de notre tour de force d’avoir fait la distance longue sans combi… Tomasz, qui a fini troisième avec Wojtek (très fort duo, chacun 10h sur IM !), me chambre un peu “Eric, alors, tu vas faire Solina la semaine prochaine aussi sans combi ?” La question est pertinente, car “Swimrun Poland”, qui a lieu dans six jours, est dans une région encore davantage montagneuse…

Ainsi se termine Goswimrun, sur la cérémonie de clôture, fort sympathique. Avec les prix sont également distribués des bières locales, ainsi que des bouteilles d’un vignoble à proximité, chose suffisamment rare en Pologne pour être soulignée. De l’avis de tous, Jędrek a fait du travail de pro. Seule la météo n’a pas voulu !

Les jours suivants, la fatigue se fait sentir, plus pesante que le reste du Dimanche. Inquiétude: je suis légèrement enroué, et la gorge pique. Rien de méchant pour l’instant, mais restons prudent. Aucun entrainement jusqu’au prochain swimrun, aucune prise de risque. Je profite de ces quelques jours pour méditer sur la question de la combi, qui sera indispensable.

Eric Visentin

crédit photo : Piotr Dymus / Eric Visentin

La suite de l’aventure polonaise continue pour Eric avec le Swimrun de Solina une semaine après (récit à venir)

http://www.goswimrun.pl/