Swimrun, dépression et rémission : le chemin initiatique d’Olivier Bragard
Olivier Bragard, habitué des championnats du monde de swimrun ÖtillÖ, a partagé avec brio des récits poignants sur les réseaux sociaux et sur Swimrun France. Ses écrits évoquent non seulement l’âpre lutte physique entre une équipe et une nature sauvage, mais aussi un combat psychique et mental contre les stigmates d’un burn-out professionnel. L’insidieux fardeau d’une dépression n’épargne personne. Grâce à sa passion pour le sport, Olivier a su puiser les ressources d’une rémission durable, en s’appuyant sur le soutien indéfectible d’une famille aimante, de ses amis et d’une communauté swimrun, ainsi que sur la bienveillance d’une nature qui lui est chère. Plongez dans la vision généreuse du swimrun d’Olivier, activité réparatrice autant pour l’âme que pour le corps. Une nouvelle vie s’est frayée un chemin, loin des murs capitonnés de la dépression.
L’activité au service du corps !
Très souvent lorsque l’on parle de sport, on parle de performance, peu importe celle-ci. Cela peut-être un chronomètre à établir, une place à atteindre, une ligne d’arrivée à franchir selon son niveau et ses envies de dépassement. On parle aussi de blessure car pour remplir ces fameux objectifs de performance, on violente régulièrement son organisme avec plus ou moins de précautions ; et cela est souvent lié à l’expertise que l’on a de l’entraînement et des différents paramètres à prendre en compte dans la programmation de son activité (passif de l’individu, régularité, progressivité, repos …). C’est pourquoi il est important, en tant que débutant ou néophyte de prendre le temps de s’orienter vers les bonnes personnes, diplômées, que ce soit pour des conseils ou pour un accompagnement. La blessure est un frein à l’atteinte des objectifs, une fragilité de la zone touchée et parfois peut entraîner une baisse de motivation.
À côté de cela le sport ou l’activité physique est un atout essentiel de bien-être, bien souvent conseillé par les professionnels de santé pour un large éventail de pathologies. Malheureusement, notre société fonctionne bizarrement et dans l’esprit de notre collectif, majoritairement sédentaire, si l’on pratique une activité c’est que l’on est en bonne santé. Alors c’est vrai pour une partie, car cela garantit un fonctionnement cardiovasculaire intéressant, une mobilité articulaire et une activité musculaire importantes qui permettent un entretien général de notre corps, et limiter ou réduire tout un tas de contraintes mécaniques que l’activité professionnelle peut engendrer. L’être humain n’est a priori pas fait pour rester assis 8h par jour, à un bureau devant un ordinateur, pourtant dès le plus jeune âge, notre système scolaire enferme nos enfants dans cette logique néfaste pour des années et des années.
Plus tard, dans le monde du travail, certains employeurs jouent le jeu car ils ont déjà identifié qu’un agent ou un salarié en bonne santé est un actif efficient, bien dans sa tête, dans son corps et dans son activité. Je regarde souvent ce que met en place l’entreprise XEFI, à titre d’exemple, grâce à la vision avancée et au travail de l’équipe de Sacha Rosenthal ; d’ailleurs je me verrais bien au sein de ce groupe, proposer mes compétences dans l’accompagnement sportif, et rejoindre cette société dynamique pour des missions.
À l’inverse, si l’on n’est pas en bonne santé, l’activité nous serait presque interdite dans l’imaginaire de la plupart, alors qu’elle est un levier médico-social extraordinaire qui combine le sanitaire et le social. Le sanitaire répond à des besoins de soins et/ou réparations médicaux en vue d’atténuer ou régler des difficultés biologiques. Le social répond lui à la nécessité de réparer en créant du lien entre individus d’une même société.
un cas concret, le mien, qui depuis bientôt 4 ans souffre de dépression
Le médico-social traite donc différentes approches thérapeutiques. Il existe tant de pathologies que je ne vais pas développer l’ensemble mais vous relatez un cas concret, le mien, qui depuis bientôt 4 ans souffre de dépression. Je suis loin d’être un cas isolé, mais les maladies mentales sont souvent banalisées (« c’est bon c’est un coup de moins bien, laisse couler les choses… ») ou bien font peur (lourde psychiatrie).
Personnellement, cela a démarré par un mal-être au travail, duquel je n’ai su identifier la cause réelle. J’ai fait avec, puis d’autres symptômes sont apparus crescendo au fil des mois : la boule au ventre sur le trajet, la non appartenance à une structure qui m’emploie, l’ignorance, les pensées noires, et stratégies de suicide sur mon lieu de travail… Et tout cela sans que je ne montre de signe extérieur à mes collègues, à mon entourage ; presque pour ne pas déranger et faire le lourdaud de service !
J’ai juste alerté nombre de fois mes différentes hiérarchies au fil de ces années sur les dysfonctionnements que je percevais et qui me touchaient ; en vain ! J’ai dépensé une énergie folle à emmagasiner ces maux au plus profond de moi, jusqu’au jour où, aux obsèques d’une ancienne collègue, j’ai vécu en direct les miens. Cela a été le déclencheur pour que j’aille voir un médecin, à qui j’ai tout déballé, les yeux ruisselants de ces larmes si longtemps retenues.
Ma famille en premier lieu m’a sauvé la vie
Ma famille en premier lieu m’a sauvé la vie car ce contexte privilégié, si fort et uni me conservait et m’apaisait. Le confinement du covid m’a d’abord été salvateur, m’éloignant de mon mal-être quotidien. Ma femme et mes quatre enfants étaient toujours la dernière vision que j’avais avant de commettre l’irréparable, car je voyais dans le suicide une issue à mes souffrances. Je n’avais plus goût à rien sauf être à leur côté. Leur soutien est inestimable aujourd’hui.
Je passais à minima 18h au lit par jour
Le sport, cette soupape de sécurité qui m’a permis si longtemps de tenir, n’avait plus lieu d’être. Pas d’envie, une lourde fatigue à la moindre sollicitation, je n’étais bien que blotti sous ma couette refusant presque de croiser le regard d’autrui, tellement j’avais honte et un sentiment que c’était tatoué sur mon front. Je suis passé par la case médicamenteuse que je redoutais tant, mais nécessaire à ce degré. Je passais à minima 18h au lit par jour, obligé de mettre des réveils pour amener et aller chercher les enfants à l’école. La douche était un luxe, tout comme les repas. Malgré tout ce traitement m’a permis de relâcher le cerveau et reprendre goût très, très lentement au plaisir du partage avec mes proches, les amis, l’extérieur. J’ai enfin accepté que j’étais malade et que je devais me faire accompagner par des professionnels dans ma démarche. À ce jour je suis dans la deuxième phase où je trouve toujours injuste cette situation, mais j’avance.
Petit à petit j’ai pu reprendre aussi des brides d’activité avec souvent une petite séance un jour, suivi de 2 jours off minimum tellement j’étais épuisé. Petit à petit, j’ai réussi à pratiquer de nouveau, mais j’ai trouvé dans l’activité des bienfaits indispensables à me guérison, encore lointaine, mais envisageable. Cette pratique est souvent conseillée, voire prescrite par les professionnels de santé et presque incompréhensible pour certains employeurs. Éducateur sportif, je suis le premier à la conseiller pour ses vertus.
Je retrouve péniblement l’estime de moi, perdu de longue date sur mon chemin, un lien social essentiel lors de ma pratique qui me permet de voir du monde, échanger, évacuer, choses qu’il m’est difficile de faire naturellement. J’ai retrouvé aussi ces battements de cœur forts et accélérés, cette douce mélodie tachycarde, cette respiration haletante, ces preuves de vie, si éloignées de ce vers quoi je me destinais.
je ne veux plus être patient et redevenir un passionné.
Alors oui, aujourd’hui la père-formance est ailleurs mais l’envie de pratiquer le swimrun auprès de Dame nature mère-veilleuse. Vous voyez, la famille n’ai jamais loin. J’ai d’ailleurs trouvé également dans cette communauté Swimrun, de la bienveillance, de l’empathie, de la compréhension et un soutien rare. Cela doit exister dans les autres communautés sportives car les valeurs restent les mêmes ; la proximité avec la nature nous garantit davantage je pense malgré tout. Mais prendre conscience de cet environnement de pratique, de ce privilège de bouger à son rythme, de ceux qui m’entourent et m’encouragent, fait que chaque jour qui passe me rapproche indéniablement d’une rémission pérenne. Fini les murs capitonnés, je ne veux plus être patient et redevenir un passionné.
Je ne saurais vous encourager toujours davantage à bouger, à parler, à vous faire accompagner pour libérer ces fameuses hormones du bonheur qui ne devraient jamais nous quitter. Je ne suis pas sorti d’affaire, mais à choisir je préfère cette douleur physique de l’activité (mesurée ou non), à cette douleur psychique destructrice, voleuse espiègle de bonheur, et ce quel que soit le regard d’autrui.
n’hésitez pas à me prendre dans vos bras, cela me remplira d’énergie positive
Lors de ma dernière hospitalisation, je crois que ceux qui m’a le plus manqué en plus de l’activité physique, ce sont les câlins de mes proches et de mes amis. Je profite pour faire un énorme clin d’œil à Monsieur Philippe Croizon qui s’il me lit comprendra ce geste. Son appel spontané, suite à une publication relayée par ma femme, m’aura fait un grand bien sur mon lit d’hôpital. Alors, à présent, lors de nos prochaines rencontres sur nos terrains de jeux favoris, n’hésitez pas à me prendre dans vos bras, cela me remplira d’énergie positive pour continuer de tracer ma route, notre route.
Je crois que Michael Lemmel et Mats Skott avaient déjà tout compris depuis bien longtemps finalement ❤️.
✍️Olivier Bragard
IG: @olivier.bragard FB: @olivier.bragard.3
📷 Akuna / ÖtillÖ