Edito

Alice « the fish » et la grenouille – L’Alliance

🇫🇷 Chapitre 5 : L’Alliance

🇬🇧 English version down below

Dans la pénombre précédant l’aube, j’observais Alice étaler ses recherches sur le ponton, les papiers se recroquevillant aux bords, perpétuellement humides. Les cristaux de sel captaient la lumière comme des étoiles mourantes. Le perroquet, mon éternel compagnon, éparpillait des gouttelettes irisées en lissant ses plumes. Nous étions trois créatures déplacées, et pourtant exactement là où nous devions être. C’est ainsi que commencent les histoires qui changent tout, ou rien.

Je me souviens avoir pensé à l’étrangeté des humains lorsqu’ils tentent de cartographier la mer. Les doigts d’Alice traçaient des lignes à travers l’archipel comme si elle dessinait des constellations dans un ciel submergé. “Le dernier corail bleu,” dit-elle, et sa voix portait cette tonalité particulière des humains parlant des choses qu’ils sont sur le point de perdre. L’air du matin était lourd d’élégies silencieuses. C’est le genre de moment qui vous hante, même des années plus tard.

Les photographies montraient des bleus impossibles. Je les reconnaissais, bien sûr. Nous autres amphibiens connaissons les lieux secrets, ces espaces entre les éléments où la vie s’obstine à persister. Le perroquet mémorisait les coordonnées avec cette précision inquiétante qui le caractérise, pendant que je méditais sur la façon dont quelque chose de si ancien pouvait être si fragile. La fragilité : encore une notion que les humains peinent à saisir.

Quand Alice superposa les sites de forage de Vorex, la carte sembla saigner. Des X rouges marquant la mort de quelque chose plus ancien que la mémoire. Elle n’avait pas besoin d’expliquer ce que le pétrole ferait à l’eau. Je ressens ces choses à travers ma peau – les changements subtils, la chimie mouvante de la survie. Certaines vérités se passent de mots.

Nous avons passé des heures à planifier, bien que “planifier” semble un mot trop ordonné pour ce que nous faisions. Le perroquet serait nos yeux célestes, lisant le vent et les vagues. Alice connaissait les chenaux profonds où le courant court comme des rivières sous-marines. Je comprenais le langage de l’eau elle-même – non pas la science humaine, mais l’expérience vécue d’une créature née pour relier les mondes.

Nous nous sommes entraînés jusqu’au crépuscule. Alice me portait sur la terre ferme, ses mouvements s’adaptant à mon rythme amphibien. Dans l’eau, je guidais, trouvant les chemins entre les courants que les humains ne peuvent voir mais peuvent sentir s’ils apprennent à écouter. Le perroquet chevauchait son épaule comme une improbable figure de proue. La mer a ses propres règles pour former des alliances.

Quelque chose s’est produit pendant que nous travaillions. Une synthèse, peut-être, bien que ce mot soit trop clinique. Alice partageait des histoires de nuits passées à regarder la vie éclore dans l’obscurité. Le perroquet parlait d’étoiles et de migrations ancestrales. J’écoutais et me rappelais la sensation d’exister dans les espaces entre les définitions. C’est là que réside la véritable magie, dans ces interstices que personne ne pense à regarder.

Ensemble, nous avons trouvé des choses qui n’apparaissaient sur aucune carte. Des hippocampes minuscules oscillant comme des feuilles sous-marines. Des crevettes portant des étoiles dans leur corps. Des poissons ayant appris à vivre là où l’eau douce dispute son territoire à l’eau salée. Chaque découverte ressemblait à un secret partagé entre conspirateurs. Les meilleurs secrets sont ceux qui vous changent.

À la tombée de la nuit, nous avons vérifié notre équipement. La combinaison d’Alice, modifiée pour porter une grenouille sans la noyer. Le harnais du perroquet, assez léger pour le vol mais assez robuste pour la nage. Des caméras pour capturer la vérité, bien que je me demandasse si la vérité était quelque chose qui pouvait être capturé. Certaines vérités ne peuvent qu’être ressenties.

Nous n’avons pas fait de discours. Nous n’en avions pas besoin. Sous un ciel parsemé de lumière, nous avions compris ce que nous étions devenus – pas exactement une équipe, mais quelque chose de plus ancien. Quelque chose qui se forme lorsque différents mondes entrent en collision et découvrent qu’ils s’emboîtent parfaitement.

“Demain,” dit Alice, regardant le clair de lune argenter les vagues. Je sentais l’attraction de la marée à travers ma peau. Le perroquet ébouriffa ses plumes, cartographiant déjà le vent du lendemain. Il y a des moments où le temps semble s’arrêter, suspendu entre ce qui était et ce qui sera.

Nous nous sommes séparés – Alice vers sa station, le perroquet vers sa branche, moi vers ma mare. Mais “séparation” semble être le mauvais mot pour ce qui s’est passé. Nous restions liés par quelque chose de plus fort que la proximité, unis par la connaissance de ce que nous devions protéger. Certains liens transcendent la distance physique.

Au matin, nous commencerions véritablement. Mais cette nuit-là, je flottais dans une eau qui se souvenait encore comment être ancienne, écoutant les vagues raconter des histoires de ce qui fut et de ce qui pourrait encore être, si seulement nous pouvions apprendre à vivre dans les espaces entre les mondes. C’est toujours dans ces espaces que l’espoir persiste, têtu comme une algue s’accrochant aux rochers.

🖼🧬 Ideogram Midjourney Claude Sonnet “joan didion” in 🇫🇷 🇬🇧 versions
🧠🛠📋 Akuna
🎯 Chapitre 1 – L’étang
🎯 Chapitre 2 – L’oiseau
🎯 Chapitre 3 – L’archipel
🎯 Chapitre 4 – La femme
🎯 Chaptitre 5 – L’alliance

🇬🇧 Chapter 5: The Alliance

In the half-light before dawn, I watched Alice spread her research across the dock, the papers curling at the edges from perpetual moisture. Salt crystals caught the light like dying stars. The parrot, my constant companion, scattered iridescent droplets as he preened. We were three creatures out of place, yet somehow exactly where we needed to be.

I remember thinking how strange humans look when they’re trying to map the sea. Alice’s fingers traced lines through the archipelago as if drawing constellations. “The last blue coral,” she said, and her voice carried that peculiar tone humans get when speaking of things they’re about to lose. The morning air held the weight of unspoken elegies.

The photographs showed impossible blues. I recognized them, of course. We amphibians know the secret places, the spaces between elements where life finds a way to persist. The parrot memorized coordinates with that unnerving precision of his, while I contemplated how something so ancient could be so fragile.

When Alice overlaid Vorex’s drilling sites, the map seemed to bleed. Red X’s marking the death of something older than memory. She didn’t need to explain what oil would do to the water. I feel these things through my skin – the subtle changes, the shifting chemistry of survival.

We spent hours planning, though “planning” seems too ordered a word for what we did. The parrot would be our sky-eyes, reading wind and wave. Alice knew the deep channels where current runs like underwater rivers. I understood the language of water itself – not the human science of it, but the lived experience of a creature born to bridge worlds.

We practiced until dusk. Alice carried me across land, her movements adapting to my amphibian rhythm. In water, I led, finding the paths between currents that humans can’t see but can feel if they learn to listen. The parrot rode her shoulder like some improbable figurehead.

Something happened as we worked. A synthesis, perhaps, though that’s too clinical a word. Alice shared stories of nights spent watching life bloom in darkness. The parrot spoke of stars and ancient migrations. I listened and remembered how it feels to exist in the spaces between definitions.

Together, we found things that weren’t on any map. Tiny seahorses swaying like underwater leaves. Shrimp that carried stars in their bodies. Fish that had learned to live where fresh water argues with salt. Each discovery felt like a secret shared between conspirators.

As night fell, we checked our gear. Alice’s wetsuit, modified to carry a frog without drowning it. The parrot’s harness, light enough for flight but strong enough for swimming. Cameras to capture truth, though I wondered if truth was something that could be captured at all.

We didn’t make speeches. We didn’t need to. Under a sky scattered with light, we understood what we had become – not a team, exactly, but something older. Something that forms when different worlds collide and find they fit together after all.

“Tomorrow,” Alice said, watching moonlight silver the waves. I felt the tide’s pull through my skin. The parrot rustled his feathers, already mapping tomorrow’s wind.

We separated – Alice to her station, the parrot to his branch, I to my pool. But separation seems the wrong word for what happened. We remained connected by something stronger than proximity, bound by the knowledge of what we must protect.

In the morning, we would begin for real. But that night, I floated in water that still remembered how to be ancient, listening to the waves tell stories of what was and what might still be, if only we could learn to live in the spaces between.

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🎯 Chapitre 1 – L’étang
🎯 Chapitre 2 – L’oiseau
🎯 Chapitre 3 – L’archipel
🎯 Chapitre 4 – La femme
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