Edito

Alice « the fish » et la grenouille – la femme

🇫🇷 Chapitre 4 : La Femme

🇬🇧 English version down below

Je me souviens de l’eau ce jour-là. 17 degrés Celsius. Nous autres amphibiens sommes sensibles à ces choses-là. Ma peau enregistre la température comme un thermomètre vivant, une adaptation qui remonte à des millions d’années. Le perroquet sur mon dos pesait exactement 380 grammes, un poids auquel je m’étais habitué depuis notre improbable partenariat.

L’archipel de Stockholm s’étalait devant nous comme un puzzle désordonné. 24 000 îles, selon les guides touristiques. Je me demande qui les a comptées. Les humains ont cette manie des chiffres précis, comme si énumérer les choses leur donnait un meilleur contrôle sur elles. Peut-être ont-ils raison.

Mes pattes arrière propulsaient mon corps à travers l’eau salée différente de mes mares habituelles. Le perroquet scrutait l’horizon. Ses serres s’enfonçaient légèrement dans mon épiderme à chaque vague. Nous formions un tableau absurde : une grenouille de 12 centimètres portant un ara tropical. Le genre de chose qui fait sourire les dieux nordiques, s’ils existent encore.

C’est là que nous avons vu Alice pour la première fois.

Elle nageait différemment des autres humains. Pas avec leur habituelle brutalité mécanique, mais avec une grâce qui semblait défier leur nature terrestre. Sa combinaison noire portait les marques de batailles avec le temps – des scratches, des réparations, des logos à moitié effacés d’institutions scientifiques. Une caméra étanche pendait à son poignet comme une extension naturelle de son corps.

Plus tard, j’apprendrais son histoire. Comment elle avait quitté une carrière prometteuse dans un laboratoire climatisé de Stockholm pour vivre sur une île de l’archipel non loin de Namdö. Comment elle passait ses journées à documenter les changements subtils dans les eaux de la baltique. Les autres scientifiques collectaient des données depuis leurs bateaux. Alice, elle, plongeait. Toujours plus profond, toujours plus longtemps.

Sa station de recherche ressemblait à son propriétaire : organisée dans son chaos apparent. Des carnets de notes waterproof empilés près d’échantillons d’algues. Des cartes marines couvertes d’annotations au stylo rouge. Des livres anciens relatant légendes et croyances des peuplade ayant vécues dans l’archipel. Un mur entier d’écrans montrant des courbes et des graphiques que je ne comprenais pas, mais qui racontaient l’histoire de notre archipel en déclin.

Elle vivait seule, si on peut appeler “seul” le fait d’être constamment entouré de créatures marines. Les pêcheurs locaux d’Utö la considéraient comme une excentrique. “La femme qui parle aux poissons,” disaient-ils. Ils ne savaient pas à quel point ils étaient proches de la vérité.

Le jour où nous l’avons rencontrée, elle étudiait une colonie d’étoiles de mer. Ses mouvements étaient si fluides que les poissons ne fuyaient pas à son approche. Je l’ai vue communiquer avec un phoque curieux d’un simple changement de posture. Elle comprenait le langage de l’eau d’une façon que peu d’humains peuvent prétendre maîtriser.

“Les gens pensent que la mer est silencieuse,” nous dit-elle ce soir-là, dans sa cabane qui sentait le sel et le café fort. “Mais elle hurle. Elle nous prévient. Nous avons juste oublié comment écouter.” Ses yeux avaient la couleur changeante des eaux peu profondes, et ses cheveux gardaient toujours un peu de sel marin, même après la douche.

Elle avait cette façon particulière de parler de science qui la rendait vivante. Pas de jargon pompeux, pas de statistiques froides. Entre ses mots, on entendait la passion – et la peur. La peur de voir cet univers aquatique qu’elle aimait tant détruit par l’avidité de Vorex.

Le perroquet l’observait avec cette intensité qui lui est propre. Je savais ce qu’il pensait : nous avions trouvé notre troisième membre. Pas juste une biologiste, pas seulement une nageuse exceptionnelle, mais quelqu’un qui portait l’archipel dans son âme.

Nous l’avons surnommée “Le Poisson”, et elle a ri. Un rire profond, comme les courants qui parcourent les chenaux entre les îles. “Je préférerais être une méduse,” dit-elle. “Elles dansent avec les marées au lieu de lutter contre elles.” Cette nuit-là, elle nous a montré des vidéos de ses plongées. Des images de vie sous-marine qui racontaient l’histoire d’un monde en équilibre précaire.

La course approchait, mais étrangement, cela semblait moins important maintenant. Nous avions trouvé quelque chose de plus rare qu’une victoire potentielle : nous avions trouvé quelqu’un qui comprenait. Quelqu’un qui, comme nous, vivait entre deux mondes et refusait de choisir.

Dans sa cabane, au-dessus de son bureau, une citation était épinglée : “Nous ne protégeons pas ce que nous ne comprenons pas.” Les mots étaient à moitié effacés, comme usés par le temps et les embruns. Mais Alice n’avait pas besoin de les lire. Elle les vivait.

🖼🧬 Ideogram Claude Sonnet “joan didion” in 🇫🇷 🇬🇧 versions
🧠🛠📋 Akuna
🎯 Chapitre 1 – L’étang
🎯 Chapitre 2 – L’oiseau
🎯 Chapitre 3 – L’archipel
🎯 Chapitre 4 – La femme
🎯 Chaptitre 5 – L’alliance

🇬🇧 Chapter 4: The Woman

I remember the water that day. 17 degrees Celsius. We amphibians are sensitive to such things. My skin registers temperature like a living thermometer, an adaptation dating back millions of years. The parrot on my back weighed exactly 380 grams, a weight I had grown accustomed to since our improbable partnership.

The Stockholm archipelago spread before us like a disordered puzzle. 24,000 islands, according to tourist guides. I wonder who counted them. Humans have this obsession with precise numbers, as if enumerating things gives them better control over them. Perhaps they’re right.

My hind legs propelled my body through the salt water, different from my usual ponds. The parrot scanned the horizon. His talons dug slightly into my skin with each wave. We made an absurd picture: a 12-centimeter frog carrying a tropical macaw. The kind of thing that makes Nordic gods smile, if they still exist.

That’s when we first saw Alice.

She swam differently from other humans. Not with their usual mechanical brutality, but with a grace that seemed to defy their terrestrial nature. Her black wetsuit bore the marks of battles with time – scratches, repairs, half-erased logos of scientific institutions. A waterproof camera hung from her wrist like a natural extension of her body.

Later, I would learn her story. How she had left a promising career in an air-conditioned Stockholm laboratory to live on an archipelago island near Namdo. How she spent her days documenting subtle changes in the Baltic waters. Other scientists collected data from their boats. Alice dove. Always deeper, always longer.

Her research station resembled its owner: organized in its apparent chaos. Waterproof notebooks stacked near seaweed samples. Marine charts covered with red pen annotations. Ancient books recounting legends and beliefs of peoples who had lived in the archipelago. A whole wall of screens showing curves and graphs I didn’t understand, but which told the story of our declining archipelago.

She lived alone, if you can call being constantly surrounded by marine creatures “alone.” The local fishermen from Utö considered her eccentric. “The woman who talks to fish,” they said. They didn’t know how close to the truth they were.

The day we met her, she was studying a colony of starfish. Her movements were so fluid that fish didn’t flee her approach. I saw her communicate with a curious seal through a simple change in posture. She understood the language of water in a way few humans can claim to master.

“People think the sea is silent,” she told us that evening, in her cabin that smelled of salt and strong coffee. “But it screams. It warns us. We’ve just forgotten how to listen.” Her eyes had the changing color of shallow waters, and her hair always retained a bit of sea salt, even after showering.

She had this particular way of talking about science that made it come alive. No pompous jargon, no cold statistics. Between her words, you could hear the passion – and the fear. The fear of seeing this aquatic universe she loved so much destroyed by Vorex’s greed.

The parrot watched her with his characteristic intensity. I knew what he was thinking: we had found our third member. Not just a biologist, not just an exceptional swimmer, but someone who carried the archipelago in their soul.

We nicknamed her “The Fish,” and she laughed. A deep laugh, like the currents running through the channels between islands. “I’d rather be a jellyfish,” she said. “They dance with the tides instead of fighting against them.” That night, she showed us videos of her dives. Images of underwater life that told the story of a world in precarious balance.

The race was approaching, but strangely, that seemed less important now. We had found something rarer than a potential victory: we had found someone who understood. Someone who, like us, lived between two worlds and refused to choose.

In her cabin, above her desk, a quote was pinned: “We don’t protect what we don’t understand.” The words were half-faded, as if worn by time and sea spray. But Alice didn’t need to read them. She lived them.

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