Duel de duos Mano à Mano à Utö
Le 8 juin 2024, l’île d’Utö, berceau du swimrun dans l’archipel stockholmois, a accueilli une pléiade de 400 swimrunners. Trois distances étaient proposées : World Series, Sprint et Experience. Les conditions favorables, avec une température aérienne de 20 degrés et des eaux oscillant entre 11 et 15 degrés, promettaient une journée propice aux défis.
Parmi les participants, une paire redoutable : Tom Ralite et Matthieu Poullain, vice-champions du monde en titre, reformaient leur alliance dans la ferme intention d’ébranler la suprématie mondiale sur les terres natales du swimrun. La suite, Tom nous la conte lui-même, alors accrochez-vous, l’aventure s’annonce mouvementée !
Tom Ralite ✍️ @tomralite.swim.run.tri
1er objectif de l’année même s’il s’est rajouté un peu au dernier moment suite à un appel de Matthieu Poullain. Je n’étais vraiment pas serein de m’engager sur cette première world série à 6 mois post op avec un nouveau rythme familial (2 enfants en bas âges) et aussi 5 jours après le SwimRun Tâmega au Portugal 1ere course de préparation avec mon père qui a quand même duré 6h20. Mais bon Matthieu n’a pas eu beaucoup de mal à me convaincre surtout en me lâchant des petites phrases comme “t’inquiète on y va pour jouer” “pour le plaisir de recourir ensemble”. Et puis on va pas se mentir on est compétiteurs et vu la start list de fou on avait au moins envie d’essayer.
On se retrouve à Tâmega pour un super week-end ensemble on se fait quelques transitions histoire de voir si les automatismes sont toujours là puis on court le lendemain chacun de son côté lui avec Eugénie moi avec mon père en se disant “on y va cool y a Utö dans 6 jours”. Bilan des courses on termine les jambes défoncées mais contents comme d’habitude. Du coup c’est quasiment 5 jours de récupération avec juste quelques intensités pour garder du dynamisme.
La veille de course on se sent bien, pas de douleur, les jambes sont vraiment pas trop mal on n’est pas malade. Nous sommes surmotivés pour faire la course et pour jouer. On sait que demain il faudra au minimum jouer avec 3 ou 4 équipes devant les favoris Hugo Tormento et Adriel Young les machines Thomas Deffains & David Pesquet, Alexis Charrier & Nicolas Remires avec peut-être une ou deux autres Team Suédoises.
Les plans sur la comète
La stratégie avec Matthieu on aime pas trop ça ON ADORE. Alors la veille de course je peux vous assurer qu’il y a au moins 5 plans de course. Et dans chacun de nos plans on attaque. Mais il y a les plans de la veille et la réalité du jour J. J’ai attaqué dans le 1er Run ce qui faisait partie d’aucun de nos plans d’ailleurs (juste pour tester mes jambes). On a subi tout le deuxième Run dans un single derrière Hugo et Adriel.
A la deuxième mise à l’eau Matthieu met son pied dans une palette en bois sous l’eau il tombe, son pull boy passe entre ses jambes et vient se mettre dans son dos à la Rémi Andrade. Du coup, j’essaie de le contourner pour prendre rapidement le lead et essayer de recoller les pieds dans l’eau j’avale une algue dans la précipitation et je vomis dans l’eau (les poissons ont de quoi manger).
L’échappée belle des champions
Devant c’est 2 multiples champion du monde de la discipline donc on ne revient pas comme ça sur eux dans l’eau et souvent quand on ne recolle pas tout de suite ils creusent très rapidement l’écart. Plan 1 attaquer Hugo et Adriel c’est déjà fini. Toujours aussi solide bravo les gars on a encore du taff mais on reviendra pour.
3ème Run on est maintenant avec les potos Thomas et David la bonne nouvelle c’est qu’on a déjà fait un petit trou sur les binômes 4 et 5. Hugo et Adriel sont 30″ à peine devant on les voit mais faire l’effort quand on est déjà le cœur dans la bouche (surtout moi d’ailleurs) et que la course va durer environ 3h30 c’est compliqué. Plan 2 attaquer et sortir Thomas et David modification/ajustement collaborer avec eux ils sont bien mieux que nous à pied et dans l’eau. Les “sortir” de nos pieds dans l’eau impossible les deux premières natations que j’ai ouvert ils sont gentiment remontés à côté de nous dans le dernier tiers et je me retrouve à chaque fois dans le rouge/violet à la sortie d’eau.
A pied c’est encore plus solide et dans les singles je suis pendu je tombe 3 fois dont deux grosses chutes où je me suis vraiment fait mal à la rotule puis aux cervicales en voulant faire l’autruche. Ça non plus c’était dans aucun plan. Bon nouvelle stratégie improvisée pendant la course avec Matthieu (seule fois où on a réussi à parler en dehors des encouragements) “Je suis pas super bien là Matthieu” “Ouais moi non plus” “OK bon on s’accroche le plus possible on donne tout”. Après avoir fait un peu de social avec nous Thomas et David décident de mettre cordialement et très sportivement fin à notre collaboration faut dire qu’on a déjà pris 3′ dans la tronche par Hugo et Adriel. Et qu’ils sont super sympas mais pas bête et ils voient que j’ai beaucoup de mal à suivre le rythme.
Même si j’ai réussi à faire redescendre un peu le cardio j’ai les jambes lourdes et dures comme des bouts de bois j’ai du mal à lever les pieds. Dans la portion de 5km à pied David et Thomas mettent un rythme infernal surtout dans les parties singles. Matthieu est mieux que moi à pied il reste entre eux et moi et m’encourage fort très fort. Je les perds de vue mais j’entends toujours la voix de Matthieu donc je m’accroche. Y a tout qui pique et plus aucun voyant vert mais il faut rien lâcher. J’ai vu que Thomas avait tombé le haut de la combi au début du run j’ai très chaud mais je prends le risque de garder la combinaison.
La souffrance
Premièrement j’ai beaucoup plus de mal à enlever et remettre ma combinaison que lui et en plus je suis à la traîne. Deuxièmement il sera obligé de ralentir et de perdre quelques secondes sur les rochers avant la prochaine mise à l’eau ce qui me permettra peut être de rentrer sur eux et nager une natation de plus dans les pieds. “t’inquiète on y va pour jouer” “t’inquiète on y va pour souffrir”. Quelle souffrance quel rythme ils nous imposent ils sont forts très forts plus forts que nous on trouve presque aucune ouverture.
On place une attaque par ci par là quand ils font une ou deux erreurs mais c’est des coups d’épées dans l’eau ils recollent tout de suite et avec facilité quand nous on subit leur rythme. Difficile de ne pas se voir 3eme à l’arrivée. Heureusement à l’expérience Matthieu arrive sur certaines sorties d’eau à rentrer dans les singles en tête et a temporiser un peu. Après les Natations les plus exposées et les plus froides 10 ou 11° (les autres étaient bien plus chaudes) je me sens mieux. J’ai aussi pris un énorme coup de chaud en début de course avec les manchettes et l’eau froide me fait du bien même si ça durci un peu plus les jambes. J’ai un regain d’énergie à l’attaque des dernières Îles d’Ötillö qu’on va faire 2 fois en AR. Je décide de prendre le lead et d’en mettre sur les cailloux pour essayer de créer un petit écart avec Thomas et David. Malheureusement c’est Matthieu qui a moins aimé le froid des natations précédentes et qui commence à cramper je suis limite aussi.
L’attaque de Thomas et David
Sur la dernière île avant de repartir dans l’autre sens vers Utö il y a un long single technique de 2,3 km environ. Thomas et David décident de nous en remettre une et celle-là elle est tranchante. Matthieu est au bord des crampes, il court en boitillant, je l’encourage comme il l’a fait en début de course en lui disant de rien lâcher, que ça pouvait aussi cramper devant nous. Je prends le lead dans les singles pour essayer de garder Thomas et David à vue mais ils ont déjà fait un trou d’environ 1′ peut-être 1’30” impressionnant.
Il reste 3 ou 4 natations. Je prends les 2 premières pour que Matthieu relâche bien les jambes et se repose. A ma grande surprise j’ai l’impression de revenir légèrement sur Thomas et David dans l’eau très étonnant vu qu’ils nageaient plus forts que nous en début de course mais bon c’est la fin de course et ils en mettent beaucoup à pied donc c’est peut-être possible, et puis dans tous les cas ça fait du bien à la tête de se dire ça. Dès la sortie d’eau je fais part de mon impression à Matthieu en lui disant de rien lâcher car on peut revenir dans l’eau (ok j’en rajoute peut-être un peu là mais faut se motiver).
Du coup dans le single je suis devant et je pousse pour essayer de revenir ou au moins d’arrêter qu’ils creusent l’écart sur nous à pied. Encore une natation, là c’est sûr on revient sur eux et Matthieu va mieux, je le vois déboîter avec une cadence folle dans l’eau au milieu de la natation. Je coupe mon effort et je me mets vite dans ses pieds en essayant de le pousser en plus. A la sortie d’eau on est transcendés, on revient bien c’est pas fini.
Le retour du diable vauvert
Avant dernière natation Matthieu ouvre, il augmente progressivement la cadence et le rythme. À la fin de cette natation, je touche plus ses chaussures et j’ai même du mal à rester dans la vague. On sort à 30m de Thomas et David dans l’avant dernier run un single bien technique encore on recolle en faisant un maximum de bruit. Ils savent qu’on est là et juste ça on sait tous que ça fait mal à la tête surtout qu’ils en ont mis beaucoup avant et qu’on a souffert TOUTE la course ! Dernière natation de front mano à mano Matthieu et Thomas devant David et moi dans les pieds. Ils rentrent devant nous dans le single, ça lâche rien on est collés à leurs chaussures, on ne voit même pas où on met les pieds dans la boue, les branches etc. Ça débouche sur un large chemin en gravel, il reste 300 ou 400m à tout casser avant l’arche d’arrivée.
L’emballage final à 3’07” au kilo
On en avait parlé la veille, pas d’arrivée main dans la main, on est pote mais on est là pour faire la course et franchement aujourd’hui c’est eux qui ont joué et nous qui avons subi ! Je lance le sprint de loin, je passe à côté de Matthieu en espérant juste qu’il suive, je vois que David coince un peu, je ne sens plus rien, j’ai tellement mal partout… finir une course de 3h27 par un 300m à 3’07” au kilo c’est juste horrible. Mais on va chercher notre 2eme place au sprint face aux copains ultra solides Thomas et David. Sincèrement merci les gars c’est ma plus grosse bagarre en swimrun et peut-être même en course ! On a été chercher vraiment loin physiquement et mentalement hier grâce à vous. Vous avez été impressionnants, j’ai hâte de vous voir courir Ötillö ensemble.
Merci Matthieu, on a souffert tous les deux mais on a juste rien lâché et sans jamais se parler quasiment, on s’est fait confiance, on s’est encouragés, aidés, on l’a fait. Bravo à ma doudou Elfie Arnaud et au jojo Jocelyn Texier pour leur 5eme place en mixte. Merci à tous pour vos encouragements.
IG: @tomralite.swim.run.tri
✍️Tom Ralite
📷 crédit photos Akuna / ÖtillÖ
🎥 Akuna