Les Swimrungoats et le tour du poudingue de La Ciotat
[SWIMRUNGOATS🏊♀️🧗♀️🏃CASSIS LA CIOTAT]
📍 Poudingue, La Ciotat, Parc National des Calanques
Nous sommes à Marseille, éblouis par les paysages grandioses du Parc des Calanques. Ces falaises calcaires blanches, creusées de fissures béantes, plongent dans la mer en formant des criques que l’on appelle calanques. Mais le parc ne se limite pas à Cassis. Il s’étend jusqu’à La Ciotat, à une dizaine de kilomètres à l’est. Là, le calcaire cède la place à des falaises rousses, composées d’une roche très différente. C’est le poudingue*, un agglomérat de galets soudés depuis des millions d’années.
Cette roche orangée, qui varie du clémentine au carmin, fascine l’équipe des swimrungoats. Si la route des crêtes entre Cassis et La Ciotat est prisée des touristes et des publicitaires, le littoral reste le domaine des pêcheurs, des kayakistes ou des chasseurs sous-marins. Le sentier qui part de Cassis se perd au bout de 2 kilomètres dans un dédale kafkaien de rochers bigarrés aux formes torturées par l’érosion. La marche devient alors un exercice de petits sauts entre les blocs, utile pour améliorer la proprioception, mais éprouvant pour le mental.
nous avons quelques traversées à notre actif, et presque autant de renoncements
Par ailleurs, certaines parties du littoral sont dépourvues de côtes et infranchissables à pied. La falaise nous domine parfois de près de 400 mètres. Il faut nager des kilomètres sans pouvoir accoster. L’engagement aquatique, selon la météo marine, est impressionnant. Les vagues sur ces côtes dentelées de roches glissantes et coupantes peuvent en décourager plus d’un. La connaissance du terrain est un gage de sécurité. David et moi connaissons bien ce massif fascinant, nous avons quelques traversées à notre actif, et presque autant de renoncements face aux conditions météo capricieuses.
Cette sortie inédite, surnommée « la sauvageonne » en référence à notre fameuse sortie des Calanques « la sauvagerie », une boucle La Ciotat – Cassis – La Ciotat de 25 km dont 5-6 km de nage. Melissa et Renaud, des swimrunners aguerris, seront aussi nos équipiers du jour.
Nous partons du chemin de Saint-Loup à La Ciotat pour rejoindre la calanque de l’Arène à Cassis pour une première mise à l’eau. Nous sommes équipés de deux sacs étanches gonflables HPA infladry 25 et du sac bouée de David. Nous avons suffisamment de portage pour y mettre nos combinaisons et faire le long run de départ et d’arrivée en trifonction. Nous y ajoutons aussi vivres, eau, matériel de sécurité. Vous l’avez bien compris, la priorité n’est pas le chronomètre, mais la progression avec une belle marge de sécurité.
Nous savons que l’après-midi risque d’être agitée avec le vent d’ouest qui va faire lever la houle. Savoir que nous l’aurons de trois quarts dos me rassure un peu, cependant la partie sans sortie d’eau de 3 km me met tout de même la pression. Qu’allons-nous trouver après ? Des vagues trop grosses pour devoir sortir en comptant les intervalles entre les lames ?
Pour le moment, la plage de l’Arène est déserte, juste quelques adolescentes en maillot de bain nagent devant nous (chapeau!). Malgré nos combinaisons, l’entrée dans l’eau nous saisit : 14-15°C pas plus. Le mistral a repoussé au large la petite thermocline de 18°C péniblement constituée au cours des quinze derniers jours. Renaud, dans son élément, nous met 100 mètres dans les lunettes sur les 500 mètres de nage. Cet ancien vainqueur du swimrunman de Laffrey avec sa compagne Christel Robin est un vrai poisson. Son habileté aquatique va se révéler un atout de sécurité incroyable sur la partie nagée.
Sur notre respiration à gauche, les immenses falaises de poudingue roux sont zébrées par des couches de calcaire blanc à rudites
Nous longeons la côte dans ce paysage fantastique. Je ne connais pas d’autres lieux où l’érosion et le va-et-vient de la mer Méditerranée ont amassé autant de roches et de sédiments aux couleurs variées sur une telle superficie. Bienvenue dans le *poudingue !
*« « Éboulis volcaniques », « terrils », « crassiers », sont les termes qui viennent à l’esprit de nombreux visiteurs du site du Bec-de-l’Aigle devant l’imposant spectacle de nos falaises rousses. Beaucoup s’étonnent de la masse des sédiments, s’inquiètent de leur stabilité et des risques d’éboulement… aussi sont-ils surpris d’apprendre que ces parois abruptes sont formées d’anciens galets de rivière, soudés entre eux depuis près de cent millions d’années en une roche dure nommée « poudingue »
Nous arrivons au bout du littoral : la progression devra se faire à la nage dans une mer qui commence à se former. Melissa et Renaud, David et Akuna : deux paires longées et prêtes à nager… le temps qu’il faudra ! Hélas Renaud et Mélissa se font irrémédiablement la belle et nous décidons alors de nous longer tous ensemble. Décision bénéfique : Renaud enclenche le turbo et les fonds sous-marins défilent sous nos yeux. Sur notre respiration à gauche, les immenses falaises de poudingue roux sont zébrées par des couches de calcaire blanc à rudites. Il faut presque se déboîter les cervicales pour apercevoir au-delà le ciel bleu. Sur notre respiration à droite, nous nous prenons… les vagues et parfois, à notre corps défendant, goutons le sel marin…
Le quatuor accoste sans problème mais aussi sans paroles pour moi : mâchoires gelées ! Je n’ai pas froid mais mon corps apparemment rebelle me suggère le contraire. Le soleil de midi nous darde ses rayons : vite enlever le haut des combinaisons pour réchauffer les organismes et prendre du carburant ! Nous sommes seuls au sein d’une nature intacte : une liberté dont nous nous délectons tout autant que nos sachets (étanches) bio Bjorg et Pompotes.
Là s’enchaînent les merveilles du Cap Canaille : plage de galets aux teintes magnifiques ; grotte traversante dans les entrailles de la falaise avec effet machine à laver essorage 1000 tours/min. L’adrénaline monte à des niveaux inavouables ; solo de voie empruntée par les grimpeurs équipés… eux !
ce sentiment de gratitude venu à nous depuis le poudingue et les fonds marins décuplé par le sentiment incroyable de résonnance entre le quatuor et une nature sauvage.
Nous passons sans transition de l’horizontalité à la verticalité : heureusement que le poudingue tient bien ! Le descellement d’une roche est extrêmement rare mais n’empêche… Nous arrivons à la calanque de Figuerolles (La Ciotat) pour les derniers kilomètres avant la calanque du Mugel.
15h30 déjà ! Nous avons l’impression que le temps s’arrête alors qu’il file le coquin! Une dernière natation chahutée nous balance vers Gaméou et nous convainc du danger à poursuivre la partie maritime : le flanc des falaises se blanchit d’écume et la houle dépasse aisément les 1m50 ! Il est temps de finir directement la boucle en zappant le Mugel ! Point de regrets : nous avons les yeux pleins, débordant de souvenirs et sensations ! On dit souvent qu’il faut être dans la gratitude pour passer les moments difficiles. En effet, c’est bien ce sentiment venu à nous depuis le poudingue et les fonds marins décuplé par le sentiment incroyable de résonnance entre le quatuor et une nature sauvage.
Composé de galets roulés soudés par un ciment gréseux, le Poudingue de La Ciotat caractérise le massif de l’Aigle et de l’Ile Verte. Cette roche singulière présente un profil étrange sculpté par le temps, que l’homme interprète à sa façon en y reconnaissant le Capucin, la Tête de chien ou l’Aigle majestueux. Issus de débris de l’ancien continent, les sols renferment du fer et de la silice, mais manquent de calcaire. Ils abritent les espèces végétales du maquis : arbousier (Arbutus Unedo), bruyère arborescente (Erica Arboréa) et même chêne-liège (Quercus Suber).
*Source: Petite histoire géologique de la Ciotat, Jacque et Françoise Laborel
http://0mrphotos.free.fr/poudingues1.pdf
✍️Akuna IG: @akuna_life
📷 crédit photos Akuna
🎥 Akuna
encore envie de poudingue ? Revivez notre périple swimrun de 2019 entre La Ciotat Figuerolles et Callelongue à Marseille