Compte-rendu de courseCourses

Ultrajeziorak, premier swimrun en Mazurie

Eric Visentin, français expatrié à Wrocław (Pologne), est tombé dans le grand bain du swimrun depuis 2016. Il a déjà écrit pour swimrun France à la suite de sa participation au Swimrun de Solina. La Pologne est une nation de Swimrun avec un circuit dynamique et une communauté vivace (cf. le groupe Facebook “Swimrun Polska”).
Le compte rendu de Jeziorak date de l’année 2019, et Eric a eu la gentillesse de nous mettre les épreuves à venir pour 2022 (Aquaman, ex circuit swimrunpoland, dont fait partie l’ultrajeziorak ne reprendra malheureusement ses épreuves qu’en 2023 à cause des conséquences économiques de la pandémie)

Voici un récapitulatif des épreuves prévues pour 2022 👇 :

  • 21/05 : Swimrun Indistrial, près d’Opole, sur 17km
  • 28/05 : Swimrun Sumin, près de Gdańsk, 42/27/14km
  • 11/06 : Goswimrun Wióry près de Kielce, 32/13km
  • 09/07: Goswimrun, nouvelle épreuve, lieu encore non révélé…
  • 23/07: Garmin Swimrun Series Gółdap (Mazurie), 31/11/5km
  • 17/09: Goswimrun Nidzica (Mazurie), 25/12km

Lorsque l’on évoque la Mazurie, les premières choses qui nous viennent à l’esprit sont la verdure, les vaches, les danses locales du même nom, les mélodies de Chopin… Les voyageurs avertis savent également que c’est avant tout la région des mille lacs (3000 selon Wikipedia). Mecque de la voile, du kayak et de la pêche, cette richesse compense un peu l’étroitesse du littoral, et rares sont les Polonais qui ne se souviennent pas d’une quelconque colonie de vacances durant leur enfance au bord d’un lac de Mazurie. Lacs d’origine glaciaires aux formes diverses, un peu comme de l’autre côté de la Baltique, dans les contrées ou le swimrun est apparu…

En Pologne, les swimruns se sont multipliés dernièrement, y compris dans le Nord (essentiellement région de Gdansk avec Polswimrun et Stężyca), mais, paradoxe, pas encore en Mazurie. Cette année 2019, les organisateurs du désormais célèbre Swimrun Poland (à Solina, ÖTILLÖ Merit Race) ont décidé de lancer une seconde épreuve, et de palier à cette anomalie. Le lac de Jeziorak fut l’heureux élu, avec la ville d’Iława comme site de l’organisation de l’épreuve.

Toujours en quête de nouvelles découvertes, car malgré quinze ans d’expatriation je ne suis jamais allé dans ce coin, prendre le départ du “Ultra Jeziorak” (nom de l’épreuve) semblait tout désigné. L’itinéraire de la course est en effet attrayant: Jeziorak est le plus “long” lac de Pologne, et la distance “ultra” (il y a deux variantes plus courtes) couvre toute sa longueur, du Nord au Sud, visitant au passage cinq de ses iles, le tout sur 36km et 12 portions de nage. Le final de l’épreuve rappelle un peu le tout premier swimrun auquel j’ai pris part il y a trois ans, avec l’arrivée à Iława semblable à celle dans le port de Rheinsberg.

Mon binôme Tomek, une collaboration fructueuse

la participation ici s’annonçait énorme, avec pas moins de 75 équipes, et les inscriptions closes quelques heures seulement après leur ouverture

Thomas, Tomek en Polonais, coéquipier avec qui notre première participation se déroula si bien l’an passé lors du “Polswimrun”, était une fois de plus la personne toute désignée pour faire équipe. Mais, au contraire de notre précédente où 6 binômes seulement prirent le départ de la distance longue, et où une facile victoire nous tendit les bras, la participation ici s’annonçait énorme, avec pas moins de 75 équipes, et les inscriptions closes quelques heures seulement après leur ouverture… Il va sans dire que la promotion sur les réseaux sociaux joue un rôle capital en ce qui concerne la fréquentation…

Nous savions que rien ne serait facile cette fois ci, mais nous étions déterminés à nous frotter au gratin de la discipline et donner le meilleur de nous-mêmes, afin de voir ce que nous valions vraiment, dans une starting list pleine de noms d’équipes familiers, et de smimrunners expérimentés. Je serais tenté de dire “effrayants”, mais je connais trop bien cette “tribu” de sportifs passionnés, dans cette discipline dès le tout début, visages familiers, sportifs magnifiques, que nous croisons que quelques fois par an, mais qui nous donnent l’impression de nous retrouver entre frères et sœurs.

Je ne vois pas Tomek très souvent non plus car il habite à Varsovie, et moi à Wroclaw, mais nous nous croisons nous aussi de temps à autre sur des évènements genre triathlons ou courses trail. Il arriva de la capitale avec sa petite amie Victoria, tandis que de mon côté je pris la voiture en compagnie de Michał et Robert, qui participaient eux aussi à l’épreuve. De nombreuses autres personnes de Wrocław étaient aussi du voyage et je vis de nombreux visages connus sur place.

Théoriquement, j’étais en forme: trois semaines auparavant, j’ai couru mon marathon en trois heures et quart, mon meilleur résultat à ce jour. Cependant, en y regardant de plus près, le tableau était moins réjouissant, je revenais d’un virus contracté début Mai à cause duquel mon entrainement dans l’eau fut réduit au minimum. Malgré quelques jours de repos, j’eus l’impression d’arriver à Jeziorak surentrainé, et en n’ayant pas assez récupéré. De son coté, Tomek me répétait que sa vitesse de pointe en course à pieds n’était plus ce qu’elle fut, mais qu’il s’était amélioré en natation, chiffres sur Strava a l’appui.

Une eau glaciale !

quelle que soit la région et le type de plan d’eau, nulle part la température n’excédait 14°C.

Le sujet de la température de l’eau était récurrent depuis quelques semaines. En Pologne, de manière générale, les premiers entrainements “open water” se font début Mai, mais le printemps 2019 fut particulièrement ingrat niveau météo, et à la mi-Mai, quelle que soit la région et le type de plan d’eau, nulle part la température n’excédait 14°C.
Bien évidemment, et pas seulement en swimrun, le sujet des combinaisons pour les épreuves à venir occupait tous les esprits. Pour Jeziorak les esprits étaient partagés, entre les partisans du léger à tout prix, et ceux du confort thermique, mais la plupart se risquèrent a un départ en tenue courte, Tomek y compris. Me souvenant combien ma combinaison, pas encore raccourcie, m’avait handicapé dans la canicule de Solina, mais conscient aussi de ma propre vulnérabilité aux températures basses, j’optai pour un compromis qui consista à y ajouter mes manchettes de vélo.

Constatant combien les larges pullbuoys avaient gagné en popularité ces derniers temps, avec des produits et dimensions adaptes au swimrun, je décidai de bricoler ma propre solution en raccommodant les deux petits que j’avais en ma possession, à l’aide de bracelets en latex. Mes paddles en plastique surdimensionnés qui font parfois un peu sourire rempilèrent, après tout ils ont fait leurs preuves et correspondent à mon style: sortant d’un hiver riche en ski de fond, aucun problème.
L’autobus nous emmena au point de départ à 8h à Dobrzyki, où la salle de la caserne des pompiers nous procura un abri temporaire et toilettes avant le départ. Malgré un lever de soleil radieux, le temps était devenu brumeux, et tous se demandaient comment cela allait évoluer. La majorité des prédictions météo annonçaient un orage, mais se contredisaient sur le moment de la journée.

Départ en trombe

Le départ fut donné après un petit discours du maire d’Iława, visiblement ému d’être acteur de ce nouveau type d’évènement, et des organisateurs. Sachant que la distance en course était sensiblement inférieure à celle de l’an dernier à Sumin, Tomek et moi prirent un départ assez offensif, genre tempo de semi-marathon, et nous nous trouvâmes dans les quelques premières équipes. Apres les atermoiements propres à chaque départ, il s’avéra que deux équipes masculines étaient loin devant nous, dont un binôme de Suédois venus spécialement pour l’occasion.

Les trois autres équipes autour de nous étaient uniquement des mixtes, mais toutes avec au moins un membre ayant participé aux championnats ÖTILLÖ l’an passé : “Runicorn”, la référence (Marek et Joanna), “Bluebirds”, constitué de Wojtek, talentueux triathlète et coureur de trail et son amie Suzanna également coureuse, ou encore “Goswimrun”, avec l’incontournable Jędrek, organisateur de l’épreuve du même nom, mais prenant aujourd’hui le départ pour la première fois avec sa femme Anna, adepte jusqu’à présent des courses à pieds.
Les deux premières portions dans l’eau nous démontrèrent cependant, malgré de certains progrès, combien la nage jouait clairement en notre défaveur, peu importe lequel de nous deux se trouvait devant. Nous parvînmes à conserver notre position durant un bon tiers de la course, allant même jusqu’à être troisièmes avec même une avance relativement conséquente, et des rêves silencieux de podiums commençaient à germer, sachant que les poursuivants directs étaient en catégorie mixte…

Premières nages longues et difficultés…

Mais tout changea lorsqu’arriva le moment de la course ou plusieurs longues portions d’eau se succédèrent, entre les trois iles du milieu de la course. Durant le premier fragment de 800m, Runicorn et Bluebirds apparurent simultanément sur notre gauche et notre droite, comme pour nous encercler. Mais cela ressemblait aussi a une lutte sans merci entre eux, pour la victoire dans les mixtes… La situation empira lorsqu’une autre équipe, cette fois masculine, (Let’s Go team, troisièmes au général) fit de même, à un rythme de nage encore plus impressionnant. Nous arrivâmes sur la berge presque simultanément, mais réalisant que leur tempo en course ne laissait pas beaucoup de marge non plus pour leur espérer les reprendre. Les rêves de podium s’évanouirent, mais la lutte s’annonçait encore longue si nous voulions éviter de sombrer davantage.

Nous traversâmes heureusement sans dommage les trois autres portions suivantes, de longueurs variant entre 400 et 500m, et toutes proches les unes des autres, mais je réalisai en même temps que la température fraiche, que j’avais enduré jusqu’à présent sans problème, commençait à me faire souffrir et augmentait ma sensation de fatigue. Les épaules ne tournaient plus avec la même explosivité qu’au début, Tomek s’en rendit compte et pris le relais pour la majorité des nages suivantes.

Je réalisai en cette occasion combien le second nageur bénéficiait de l’aspiration crée par le premier, mais malheureusement aussi, en forçant moins, je me refroidissais encore davantage, et l’impatience de gagner la berge se fit de plus en plus pressante. Lorsqu’elle arriva, nous avions perdu de vue nos concurrents depuis belle lurette, mais nous comptions à présent sur ces trois segments de course contigus, chacun de 5km, pour nous refaire un peu, et aussi pour moi, me réchauffer… Il s’avéra que ma condition en course avait autant souffert que la nage: raide, ma foulée n’était plus la même.

Dagobah, Endor et Eadu !

Nous étions sur une planète rappelant un peu Dagobah, celle de Yoda, Endor chez les Wookies, ou encore Eadu l’orageuse de Rogue One.

Pour ne pas arranger les choses, la pluie se mit à tomber, et le sol devint boueux. Plus petit en jambes, les surfaces dures jouent en général à mon avantage, mais sur le mou, je m’asphyxiai en essayant de tenir le rythme de Tomek. Je pus souffler un peu lors des rares portions de pistes forestières ou la terre battue offrait davantage de support. La pluie se transforma en véritable déluge, au point que nous réenfilâmes les bonnets de nage, habituellement enlevés durant les longs kilomètres. La foudre et le tonnerre avaient envahi les lacs de Mazurie. Nous étions sur une planète rappelant un peu Dagobah, celle de Yoda, Endor chez les Wookies, ou encore Eadu l’orageuse de Rogue One. Heureusement point de stormtroopers, mais un ravitaillement. Chapeau aux organisateurs transis de froid dans leur K-Way ! Tomek du refaire ses lacets avec grande difficulté, les mains transies, mais je pus souffler un peu.

Alors que nous pensions que nos chances de rattraper quiconque étaient définitivement évanouies, nous aperçûmes Wojtek et Suzanna, cette derrière souffrant visiblement de crampes et alternant course et marche. Notre vue sembla les remobiliser un peu et nous courûmes tous ensemble les deux portions suivantes de 5km, nous soutenant mutuellement. Petits dépassements anecdotique sur terre et dans l’eau, mais rivalité sportive avec le sourire, car ceux deux visages bien connus de nous sont également un binôme formé d’un Wrocawois (ma ville) et d’une Varsovienne (ville de Tomek), magnifique couple pas seulement en swimrun mais aussi dans la vraie vie.

Sur la dernière ile du lac, Żuława, il sembla cependant que les « Bluebirds » étaient irrémédiablement distancés, et nous pensions nous diriger vers une certaine cinquième place. La ville d’Iława approchait et les bâtiments réapparurent. Sur l’avant dernière nage, passant sous le pont et entrant dans la baie de la vieille ville, les Bluebirds refirent cependant leur apparition, Wojtek tractant sa partenaire avec une énergie décuplée, sentant le finish. Tomek, qui conduisait, répliqua comme il le put, et un fascinant finish nous mena tous ensemble à la berge. Jusqu’à l’arrivée, c’était à présent du trottoir, et mes facultés retrouvées, nous sprintâmes jusqu’à la dernière portion de nage, de peur d’être repris. Cela n’arriva heureusement pas et nous franchîmes la ligne d’arrivée après quatre heures et demie de course. Les Runnicorn, encore frais, étaient arrivés 5mn avant. Les Bluebirds arrivèrent eux aussi, et la remise des médailles s’ensuivit de nombreuses accolades et conversations.

De l’hypothermie aux verres de liqueur…

Tomek resta un peu plus que moi, car je me sentis rapidement transi de frissons, et je me dirigeai vers la consigne à vêtements et les douches chaudes. Victoria m’amena le reste de mes vêtements chauds, et je passai les deux heures suivantes habillé en bonhomme Michelin, durant lesquelles le soleil revint, et j’assistai à l’arrivée de Robert and Michał. Nous restâmes a la cérémonie, durant laquelle dans la catégorie homme triomphèrent Triclub Warszawa sur les Suédois de Team Genom Sparor et Let’s go team. Dans les mixtes, nous vîmes bien évidemment Runicorn, Bluebirds et Goswimrun. Le fait de ne pas y être laissa un gout un peu amer, mais les troisièmes étaient loin et nous avions tout donné. Tomek le répétait, cependant j’eus un doute lorsqu’il prit l’escalier et nous l’ascenseur !


Le soleil était revenu, et nous passâmes la fin de l’après-midi sur terrasse d’un restaurant ou une longue table accueillait tous les visages de la « tribu » swimrun en Pologne, animée de conversations diverses ci et là. Les deux Suédois s’étaient aussi joint à la fête et alcool aidant, égayaient l’atmosphère avec les anecdotes sur leur pays. Le matin suivant, le petit déjeuner fut offert par les organisateurs dans la salle du Port d’Iława, histoire de s’immerger une dernière fois dans l’esprit swimrun avant la route du retour.

je me souviens de visages rayonnants, d’athlètes magnifiques, des meilleurs aux derniers, tous animés par la même flamme.

Je ne me souviens plus au final de toutes les personnes rencontrées, avec qui j’ai bavardé, du bus du matin au dernier verre de liqueur le soir. Trop dans une journée ! Mais je me souviens de visages rayonnants, d’athlètes magnifiques, des meilleurs aux derniers, tous animés par la même flamme. Le swimrun est un sport magnifique qui lie les gens. De toutes les disciplines d’endurance, c’est le sport où je me retrouve le plus l’état d’esprit qui y règne. Qu’il le reste aussi longtemps que possible !

Les Swimruns Polonais prévus pour 2022

Ce compte-rendu date de 2019. Entre temps, la Covid est passée par là. 2020 et 2021 furent deux années de vaches maigres, avec certaines épreuves annulées. “Swimrun Poland”, rebaptisé entre-temps “Aquaman”, ont particulièrement souffert, Solina étant affilié a ÖTILLÖ, avec l’organisation en amont qui en découle, ainsi que Jeziorak, elle aussi épreuve de masse. Malgré la création d’une troisieme épreuve sur format plus réduit (solo, 24km) a Międzychód, Aquaman a beaucoup souffert, et ces épreuves ne reprendont pas avant 2023.
Fort heureusement, d’autres évenements ont fleuri entre-temps, y compris deux en Mazurie, comme pour compenser. Voici un récapitulatif des épreuves prévues pour 2022 :

  • 21/05 : Swimrun Indistrial, près d’Opole, sur 17km
  • 28/05 : Swimrun Sumin, près de Gdańsk, 42/27/14km
  • 11/06 : Goswimrun Wióry près de Kielce, 32/13km
  • 09/07: Goswimrun, nouvelle épreuve, lieu encore non révélé…
  • 23/07: Garmin Swimrun Series Gółdap (Mazurie), 31/11/5km
  • 17/09: Goswimrun Nidzica (Mazurie), 25/12km

Eric Visentin

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