Aquaticrunner: un swimrun à la sauce italienne
François-Xavier Li nous partage sa course Aquaticrunner en Italie
Des eaux chaudes, du sable, du soleil, on en rêve quand on nage dans les eaux froides du nord de l’Europe. Alors quand l’opportunité de faire l’Aquaticrunner est apparue, j’ai sauté sur l’occasion, et je ne l’ai pas regretté.
L’Aquaticrunner est la finale du championnat Italien de swimrun. Le circuit est atypique car il se court en solo (un grand sujet de discussion en soi), et sans plaquettes, à la différence de la plupart des autres courses. Les pull buoys sont autorisés ainsi que les combis, mais en fonction de la température ce n’est pas nécessairement une bonne option.
Pour cette finale les étrangers peuvent s’inscrire sans avoir à se qualifier dans les courses du championnat mais ils sont classés séparément. Le parcours relie de façon extrêmement naturelle d’îles en îles les villes touristiques de Grado et Lignano au Nord de l’Italie, entre Trieste et Venise.
L’avant course
Nous arrivons l’avant-veille du départ à Lignano. Nous avons décidé de loger là car c’est plus prêt de l’aéroport de Venise où nous devons prendre l’avion le soir de la course. Le vendredi matin nous faisons un petit essai des jambes et d’équipement. Pour cette course au soleil on n’a pas besoin de combi néoprène et j’ai opté pour une tri-fonction Mako de triathlon qui permet de nager, pédaler et courir sans se changer.
On devrait peut-être les rebaptiser « bi-fonction » pour le swimrun ! La combinaison est parfaite et je suis très confortable autant en courant qu’en nageant. Pour les chaussures je fais un essai des Salming Elements. Avec 4 mm de drop ces chaussures suédoises rentrent dans la catégorie des chaussures basses, ce que je préfère. Elles offrent beaucoup de grip, même si ce n’est pas indispensable ici, mais aussi avec une semelle suffisamment large pour éviter de s’enfoncer dans le sable, quelque chose d’important sur cette course.
Premier galop d’essai sur la plage et je suis satisfait de mon choix (je vous rassure, j’ai couru avec ces chaussures avant la course, simplement pas sur du sable fin). Les plaquettes étant interdites dans cette course, on va voyager léger! Nous découvrons aussi que les plages dans cette partie nord de l’Adriatique descendent en pente très douce. Cela veut dire que nous aurons souvent l’occasion de marcher pour entrer et sortir de l’eau.
Le reste de la journée est consacré au tourisme : dégustation de produits locaux à Udine, visite de la ville fortifiée de Palmanova en forme d’étoile à 9 branches, ruines romaines de Aquileia, tout ça en route pour l’enregistrement et le briefing à Grado le soir. Nous ne restons pas longtemps car le bus qui va nous amener de Lignano à Grado demain part à 4:30 du matin…
Réveil au petit matin
L’heure du réveil arrive un peu trop vite, mais le bus est à l’heure et nous voyageons à moitié endormis mais sereins. Arrivés à Grado nos numéros sont marqués au feutre sur les bras et les jambes, à l’ancienne, et ça marche très bien. Pas de chasuble dans cette course (est-ce vraiment nécessaire ?), mais une puce électronique pour le timing. Les concurrents italiens qui entrent les premiers dans le sas de départ, un par un, sont présentés comme des stars de boxe par l’annonceur. C’est un spectacle à lui tout seul, et il va continuer comme cela non-stop jusqu’à l’arrivée le soir du dernier concurrent. Une performance ! Nous sommes situés en fin du sas, mais comme nous ne disputons pas le championnat italien, ce n‘est pas bien grave.
Le départ
Le départ est donné à 7 heures précises. Nous courons le premier kilomètre dans les rues piétonnes de Grado, avant de tourner à gauche pour rejoindre la plage. Nous ne reverrons pas de bitume avant l’arrivée. Le rythme n’est pas rapide et en courant à 12km/h je remonte doucement le peloton pour me retrouver environ aux deux tiers.
Il est temps de plonger pour la première natation. Ou plutôt, de ne pas plonger : la pente douce nous permet ou oblige à marcher pendant environ 100 mètres avant de pouvoir vraiment nager. Une grosse bouée orange à laisser à droite nous indique la direction, et ce sera le cas pour toute cette course où la navigation en natation comme à pied est facile. De toute façon sur terre c’est simple : garder la mer à gauche ;).
Sitôt la digue passée, nous sentons le courant qui nous pousse vers le large et nous freine aussi. Les bras de mers qui séparent les îles constituent souvent les estuaires de petites rivières. Il faudra compter avec cela. Je ne suis pas habitué à nager en swimrun sans plaquettes et je dois un peu m’adapter pour trouver mon rythme.
Après 900m nous sortons pour commencer la seconde section de course à pied, et découvrir un île déserte comme toutes celles que nous allons traverser jusqu’à Lignano. Il faut courir au bord de l’eau pour trouver un sable pas trop mou. Nous écrasons d’innombrables coquilles qui jonchent le sol, et ce bruit bien particulier va nous accompagner toute la journée. On sait toujours si quelqu’un se rapproche derrière ou nous suit de près !
L’eau n’était pas froide mais il fait bon en courant. Un léger voile de nuages nous protège du soleil et nous évite d’avoir trop chaud. Tout va bien. La seconde section de natation arrive et nous voilà repartis. L’eau est un peu trouble à cause du limon typique de beaucoup d’estuaires. Quelque chose frôle mon visage, et en plongeant ma main droite j’attrape quelque chose. Pas le temps de trop réfléchir, je tire l’eau ce quelque chose et le pousse bien le long du corps jusqu’à la cuisse comme on me l’a appris.
Soudain je sens une brûlure sur le visage et sur toute la cuisse et la jambe. Et oui, ce devait être une méduse, et je l’ai consciencieusement frottée sur tout mon côté droit. Dans l’eau ça brûle, mais que faire à part continuer ? En sortant de l’eau je regarde mais je ne vois rien de particulier, alors on court et on se tait ! Plus tard je vais sentir que mon quadriceps est contracté et douloureux mais sans vraiment m’empêcher de courir. C’est ça aussi les courses en pleine nature.
Les plages de sable fin se succèdent, serpentant au gré des courants.
Les plages de sable fin se succèdent, serpentant au gré des courants. On voit de très loin les concurrents, et lorsqu’il y a une courbe à droite, il est très tentant de couper à travers la plage, mais là on rencontre du sable fin et sec, dans lequel on s’enfonce à souhait.
C’est un compromis, et la plupart du temps il vaut mieux longer la mer quitte à allonger un peu le trajet. On court beaucoup dans cette course. Dans certains bras de mer on a pied d’une rive à l’autre. Il faut alors faire des choix : nager, marcher ou courir ? Si l’eau est à mi-mollets, on peut courir en levant bien les jambes comme un sauteur de haies. Si l’eau est au niveau du genou, il vaut mieux marcher en essayant de laisser la jambe au raz de l’eau. Mais attention aux fléchisseurs des hanches qui travaillent beaucoup !
Finalement, si l’eau est entre le genou et la taille, on peut marcher ou nager. Cela dépend un peu de ses forces et faiblesses. Une nageuse va s’économiser en nageant par rapport à une coureuse qui peut préférer marcher. On peut aussi essayer de planter les doigts dans le sable en nageant pour avoir plus de traction, mais là ce sont les épaules qui peuvent se plaindre. Alors on voit de tout, côte à côte, des grandes jambes qui font les échassiers, des nageurs qui vont aussi vite mais en adoptant un mode de locomotion complètement différent. Des amphibiens somme toute !
Nous arrivons enfin au bout de la dernière île ; le bras de mer qui sépare Marinetta de Lignano est utilisé par beaucoup de plaisanciers. Lorsque j’arrive un petit groupe de 10 coureurs attend. Pas de panique, les organisateurs opèrent une sorte de passage à niveau. Ils laissent passer les bateaux pendant en moment.
Les coureurs qui arrivent passent sur un tapis et leur puce électronique enregistre leur arrivée, et ils patientent. Quand la barrière est levée, ils repassent sur le tapis et le temps qu’ils ont attendu est décompté à l’arrivée. Ce système permet à la course de passer en sécurité tout en gardant les plaisanciers heureux. Sans cela, la course devrait simplement s’arrêter avant, ce qui serait dommage. Le désavantage c’est que quand on repart on ne sait plus si la personne physiquement devant est effectivement plus rapide ou simplement a attendu moins longtemps. J’attends environ une minute avant de repartir pour la dernière ligne droite.
La très longue plage de Lignano est coupée par deux dernières portions de natation. Avec 1km et 1,4km, elles redonnent au nageurs l’occasion de faire parler la poudre, s’ils en ont gardé au sec. La plage est noire de monde et c’est un dépaysement quand on vient de passer des heures sur des plages désertes. Mais cela apporte aussi des encouragements. Il commence à faire chaud et les jambes sont un peu fatiguées. Les épaules aussi, d’autant plus qu’il y a encore un peu de courant, et comme le vent en vélo, il semble être toujours contre nous !
L’arrivée
Finalement on finit la dernière natation et les applaudissements nous portent. On aurait pu finir là, mais non, les cruels organisateurs nous font monter la plage de sable fin, pour faire le tour du club nautique et finir sur une ligne droite. J’ai envie de marcher, mais je me force à courir. Je m’enfonce à chaque pas, mais pas plus que ceux autour de moi. Alors je pousse en peu et rattrape deux concurrents.
Le troisième est juste devant et j’arrive presque à son épaule. Il se retourne, et se met à sprinter dans les derniers 30 mètres. Il va plus vite que moi, tant pis. Je le laisse un peu partir pour la photo.
Gilberto Zorat est là, accueillant chaque concurrent comme une star. 3h48 à ma montre, je ne regarde pas le timing officiel car je n’accorde pas trop d’importance en général au temps dans les swimruns car, comme en trail ou en raids, la météo, le terrain et les aléas d’une course en équipe jouent en grand rôle. Celui qui m’a battu au sprint m’accueille avec un grand sourire et nous discutons.
Bernhard est Autrichien, et quand je le félicite pour son sprint, il m’explique que c’était parce qu’il pense être sur le podium des étrangers. J’avais complètement oublié ce classement. Et puis je lui parle du passage à niveau où je me suis arrêté, et nous réalisons que je suis probablement devant lui !
Effectivement, je finis second étranger derrière l’Autrichien Ronald Hotter et Bernhard est troisième à 3 secondes. Comme quoi, les secondes comptent en swimrun et la puce électronique a son importance ! Au final il me propose de former un binôme pour une prochaine course (1000 lakes en octobre). Au moins nous savons que nous sommes proches en performance ;). C’est un des avantages des courses solos : on découvre de nouveaux concurrents et amis. La course est remportée par Francesco Cauz en 3h04 et Silvia Colussi en 3h32.
Au final l’Aquaticrunner est une belle course sur un tracé sauvage. L’interdiction des plaquettes associée avec l’absence de combinaison redonne un avantage aux nageurs. Courir en solo avec un équipement minimum et dans des eaux chaudes apporte une perspective différente à l’activité. Certes il manque le partage et l’entraide avec un binôme, mais l’effort solitaire a aussi ses avantages. Au total, une course à refaire.
Article intéressant et bien écrit. Moi qui suit nouveau dans le SwimRun, je me demande pourquoi il n’y a pas plus de courses ouvertes aux solos et avec plaquettes interdites! C’est le cas du seul swimrun que j’ai fait à ce jour (Hostens)…
Merci pour le feedback. Historiquement l’OtillO étati si difficile que seulement quelques personnes arrivaient a finir la course, et les organisateurs ont essayé de leur donner toutes les chances possible, y compris plaquettes. Les courses s’inspirant de l’OtillO ont essentiellement copier/coller les règles. Sur certaines courses effectivement il y a matière a débat. Les organisateurs sont libres de décider e qu’ils autorisent ou pas
The Idea of Aquaticrunner was born on 2012, and the first race was on 2014. At that time the organisation did not’ know OtillO, and the used different rules, Individual is the first. For istance in Aquaticrunner is permitted only the pull buoy, no others swimming tools. – Look here: https://en.wikipedia.org/wiki/Swimrun
Grazie for the additional info on the historical pespective
@Aquaricrunner: sono svizzero e grazie per l’informazione su vostra gara. E veramente una buona idea di vietare le paddles! Sopratutto per sicurezza perché è un pò spiacevole di prendere un colpo di paddles sulla testa!! Provarò di partecipare a vostra gara in 2017!