De Loch en Loch 2016
Sébastien Riehl nous fait partager sa course avec Frank Vincent au Loch gu Loch 2016, le tout illustré par de superbes photos de leur ami Pascal Saingré. Une jolie aventure dans un bel esprit. Bravo!
La préparation
30 septembre 2016, 16h30. Il fait gris, frais et quelques gouttes de pluie rendent l’eau du Loch Ness encore plus étrange qu’à son habitude. C’est l’heure du briefing, 52 équipes sont inscrites pour la deuxième édition du Loch Gu Loch ; on y voit des baroudeurs dont on suppose qu’ils connaissent la discipline depuis la nuit des temps, des gaillards affûtés et taillé à la serpe, des filles et quelques regards de néophytes dans lesquels se lisent doute et inquiétude : les nôtres en font partie.
Frank et moi avons décidé de nous lancer un nouveau défi il y a un an. Nous avions commencé par un marathon, puis deux, puis dix, un triathlon, puis un half et enfin, un ironman. La logique voulait que nous nous ouvrions à de nouvelles sensations…
C’est donc bien au nord de l’Écosse que nous nous retrouvons à écouter attentivement les consignes de courses. Quelques modifications de parcours, après que la pluie ait copieusement arrosé le paysage ces derniers jours, l’organisation mise sur la sécurité. Bonne nouvelle, le beau temps pourrait bien être de la partie le lendemain.
Il fait nuit, il fait froid …
1er octobre 2016, 5h15. Il fait nuit, il fait froid mais l’absence de vent donne au Loch Ness l’aspect d’une mer d’huile … de vidange noire. Les concurrents embarquent à bord du « Jacobite Warrior » pour une heure et demie de croisière jusqu’au château d’Urquhart, départ officiel de ce swimrun.
L’ambiance est bon enfant, chacun vérifie ses affaires une dernière fois, la queue pour les toilettes est interminable mais les mines fatiguées par une nuit courte sont vite remplacées par des rires aux forts accents écossais.
Nous échangeons avec un couple du sud de l’Angleterre, ils ont décidé de partir avec un sac banane. L’expérience tend à prouver qu’il vaut mieux partir léger, plutôt que de s’encombrer inutilement d’un barda digne d’un légionnaire en opex pour 6 six mois en antarctique.
6h58. Nous débarquons au château, une belle ruine magnifiquement entretenue, au son de la cornemuse. Ça fait cliché, mais on apprécie. La photo de groupe sur le ponton de bois clôt les ultimes préparatifs. La mise à l’eau est rugueuse. Il fait 3°c, l’eau doit être à 11°c, ça pique un peu, la respiration est saccadée.
Le départ
7h37. Au son de la corne de brume, la petite centaine de participants se lance dans la première traversée du Loch Ness, alors que le soleil envoie ses premiers rais. L’eau est sombre, lugubre mais étonnamment claire, on croirait du thé. Je reste calé dans le sillage de Frank, qui prend le temps de profiter du paysage, nous n’avons pas le même niveau en natation…
La sortie de l’eau est délicate, dans les galets instables, les muscles inférieurs crispés par le froid. Nous attaquons le premier segment de course, 9 kilomètres de montée où nous surplombons le Loch Ness, c’est splendide ! Frank reste dans mon sillage, nous n’avons pas le même niveau en course, il souffre dès que ça grimpe, avec sa carcasse d’ex-rugbyman. Nous reprenons l’une ou l’autre équipe, nous faisons rattraper par d’autres, toujours avec le sourire.
Après avoir slalomé entre les moutons, nous attaquons le deuxième loch, l’eau claire et le soleil matinal nous laissent distinguer un fond de galets peu profond, mais nous sommes déçus de ne pas voir le moindre poisson, ni la moindre trace de végétation. Le milieu semble hostile ! Moins d’un kilomètre plus tard, après avoir traversé un beau champ de fougères, nous replongeons pour une troisième fois dans une eau glacée, heureusement le segment est court.
La lande Écossaise et ses fameux pièges à chevilles…
la cheville de Frank tourne à trois reprises du mauvais côté
Nous attaquons alors un premier morceau de bravoure : la lande et ses fameux pièges à chevilles… Des trous cachés par les bruyères, les lichens, les chardons, la tourbe et son incroyable faculté à faire éponge au cas où la région venait à manquer d’eau… Je m’étale une première fois, en même temps que la cheville de Frank tourne à trois reprises du mauvais côté. Le retour à un peu de bitume est une bénédiction. Nous en profitons pour nous alimenter.
La succession de faux-plats et la cheville douloureuse de Frank nous ralentissent, ma nage peu économe et un faux rythme m’ankylosent. Nous entrons dans le dur au tiers de la course. Nous n’avons que 6 minutes d’avance sur le cut-off à l’issue de la quatrième portion de nage, dans le Loch le plus froid, mais nous maintenons la cadence.
nous marchons comme dans un mètre de poudreuse
Le cinquième segment de natation aura sans doute des répercussions sur la suite de notre course, avec moins de 50 cm d’eau, nous marchons comme dans un mètre de poudreuse, les cuisses n’aiment pas. Nous sommes vraiment dans le dur et manquons une balise sur la courte portion de course qui suit, mais ne perdons guère plus de 200 mètres et plongeons pour la 6ème fois dans une eau toujours aussi sombre et glacée. J’ai l’impression de nager avec une enclume, je me traîne. Nous n’avons plus que 3 minutes d’avance sur le cut-off au moment d’attaquer la course la plus longue, 16 kilomètres qui commencent par du bitume, en plein soleil. Et il fait chaud, si si !
Frank se prend un trou sournois, et y laisse définitivement sa cheville droite.
Le passage du pont de Whitebridge, avant les magnifiques chutes de Foyers, voit nos espoirs de finir dans les temps se réduire en peau de chagrin : le regard happé par la splendeur du paysage, Frank se prend un trou sournois, et y laisse définitivement sa cheville droite.
Nous entamons alors notre long chemin de croix, où malgré la fatigue et la douleur, nous ne pouvons manquer la splendeur des paysages qui s’offrent à nous. Nos oreilles de citadins ne sont pas habituées au silence qui règne en maître dans les terres du Nord. C’est beau mais c’est dur. C’est dur mais c’est beau. Et ça grimpe. Ça n’en finit pas de grimper, et une dernière équipe nous dépasse alors que nous apercevons enfin le Loch Tarff et ses îles en contrebas. Ils seront les derniers à avoir le droit de franchir la ligne d’arrivée dans les temps. Nous sommes contraints de nous arrêter là, pris par la patrouille bienveillante de l’organisation, pour 10 minutes. Mais la traversée du Loch Ness de nuit n’est pas envisageable.
Nous sommes déçus, mais pas abattus
Nous sommes déçus, mais pas abattus. D’ailleurs, nous n’avons pas abandonné et avons vécu une aventure fantastique entre amis. En effet, au moment du dernier pointage, nous étions rejoints par notre ami photographe, et finissions ensemble dans la joie et la bonne humeur, celle de trois amis qui se connaissent depuis bientôt trente ans.
Nous ne sommes pas finisseurs, mais nous avons tout donné. Fiers dans l’effort, et heureux d’avoir participé à un bel événement, très bien organisé par une équipe professionnelle et extrêmement sympathique.
Quelques leçons à retenir …
Nous avons aussi retenu un certain nombre de leçons, que nous vous proposons de partager :
- Partez léger ! Mon premier marathon, je l’ai couru en collant avec une veste et un sac à eau, le dernier avec un ticket de métro en poche (pour le retour, hein!). Le swimrun, c’est pareil : prenez ce qui est indispensable : plaquettes, gels et le matos obligatoire, le reste vous rappellera son poids après 40 bornes.
- Testez-vous sur des distances longues avant la course. Une chaussure qui ira bien pour 15km ne sera peut-être plus aussi confortable après 50km.
- Évitez les chaussures en goretex, sinon vous courrez dans l’eau en permanence.
- Votre meilleur ami n’est peut-être pas votre meilleur binôme. Je suis une enclume à la nage, lui c’est à la course. L’addition des points faibles est salée.
- Soyez humbles. Ce n’est pas parce que vous êtes entraînés, que vous avez un passé d’Ironman que vous n’en baverez pas. C’est dur, et ça fait aussi partie du jeu.
Loch gu loch fait désormais partie du circuit international Breca swimrun, avec de nombreuses épreuves à travers le monde. Retrouvez le compte rendu de course de Kciemya Samud à l’île de Jersey (Breca Jersey).