ÖtillÖ: à quoi peut-on s’attendre ?
La course originelle du swimrun aura lieu Lundi 5 Septembre. À quoi peut-on s’attendre pour cette course ?
Petit rappel rapide : la course traverse une partie de l’archipel de Stockholm en allant d’île en île (le sens de ö till ö en Suédois). Au cours de cette course nous couvrons 65km sur terre et 10km en mer, parcourant 26 îles qui engendrent 52 transitions. La compétition s’effectue en équipe de 2, dans trois catégories, 71 Hommes, 16 Femmes et 29 Mixtes.
La première course à pied de 1,2 km sur Sandhamn est neutralisée par un quad. Les concurrents restent en peloton groupé pour la première natation de 1,6 km. C’est à partie de là que la course commence vraiment.
Il fait encore très sombre, mais un flash sur l’île de Vindalso permet de se diriger assez facilement. Les meilleurs nageurs peuvent pousser leur avantage ici, alors que ceux et celles qui visent simplement de finir vont découvrir un petit choc thermique (et ce ne sera pas le dernier de la journée !) Ils devront prendre cette première natation assez tranquillement.
Dès la sortie de l’eau on découvre les rochers polis et glissants de l’archipel. C’est dans cette portion de la course qu’ils sont les plus glissants. C’est le moment de garder la tête froide (facile avec la température de l’eau) et prendre son temps. C’est aussi une bonne stratégie pour les sections terrestres qui viennent : on est dans un mélange de course au raz de l’eau et de mini escalade.
À part pour les premiers, les rochers sont mouillés par les concurrents qui ruissellent lors de leur passage. Le terrain est technique et glissant. Il y a encore beaucoup de monde, sur un seul chemin. Les athlète sont encore excités et plein d’énergie, un cocktail qui peut mener à prendre des risques. Ce serait bête de se blesser à ce moment là. Cependant les spécialistes du trail technique peuvent s’en donner à cœur joie.
Les îles s’enchainent rapidement avec essentiellement du terrain escarpé et des portions assez courtes de natation. Puis nous arrivons à l’île de Runmarö au kilomètre 18. Là nous rencontrons un terrain plus roulant sur une route de terre battue. Pour les coureurs habitués aux terrains plats c’est un répit bienvenu. D’autant plus que la première barrière horaire tombe à 9:00 précise.
Cette barrière horaire est assez dure pour en partie éliminer les équipes qui ne seront pas capables de finir la course et éviter que l’organisation soit étirée sur une distance trop importante. Cela explique aussi un peu la précipitation du départ.
Le premier vrai ravitaillement permet de reprendre des forces. Même si l’on se sent bien il ne faut pas négliger de s’alimenter et s’hydrater tôt dans la course. On devrait voir se dessiner une première esquisse des forces en présence pour les équipes de tête lors de cette section de course à pied de 8,7km. Mais la course est encore très longue.
Une succession d’îles
Sur Runmarö le tracé qui jusque-là allait principalement vers l’ouest vire au sud. Ceci peut être important en fonction du vent. En 2016, il semble que le vent devrait venir du nord, donc désormais dans le dos des coureurs. Le prochain ravito arrive assez vite sur Munkö, mais il est nécessaire pour préparer la section de natation de 1 km qui amène les swimrunners sur Kackskar.
Cette natation, trompeuse, semble souvent plus courte visuellement qu’elle ne l’est en réalité. Alors nombreux sont ceux qui sont surpris du temps qu’ils mettent à franchir ce bras de mer. Un courant de droite à gauche et des vagues fréquentes expliquent cette illusion.
Les nageurs sont capables de reprendre du terrain alors que les premiers signes de fatigue peuvent se faire sentir.
L’île de Namdö offre une variété de paysages, entre les forêts aux sentiers mono trace techniques et les routes en terre battue. Cette course à pied de 8.3 km est marquée par un ravito situé sur la terrasse d’un restaurant à quasiment mi-chemin de la course. Il faut faire un aller-retour pour accéder au restaurant où se trouve le ravitaillement.
C’est un moment stratégique pour toutes les équipes. On passe en revue ceux qui sont devant, ceux qui poursuivent, leur manière de courir et s’ils semblent frais. Avec un large éventail de boissons et nourriture, dont une délicieuse soupe chaude, il est tentant de prolonger la pause.
D’un côté c’est une bonne idée de faire le plein de calories ; d’un autre, on ne veut pas offrir aux autres équipes l’occasion de reprendre du temps facilement. Comme en trail, les ravitos prolongés peuvent coûter beaucoup de temps. Les équipes qui jouent la gagne en sont très conscientes, mais doivent doser finement rapidité et précipitation. C’est aussi la seconde barrière horaire à 12 :00. Les équipes trop lentes pour continuer ont au moins la chance de faire un bon repas !
Le fameux « pig swim »
On quitte Namdö par une courte natation de 200 mètres. On rencontre une succession de sections courtes de moins de 100 mètres qui donnent envie de pousser un peu plus fort car l’alternance des disciplines fait qu’on ressent à ce moment-là moins la fatigue bien que le terrain soit très technique. On devrait se sentir bien et prêt à en découdre. Ça tombe bien car la natation qui relie MortoKlobb à Kvinnoholmen fait 1.4km. C’est le fameux ‘pig swim’, pig étant en Anglais un terme souvent utilisé pour désigner quelque chose de difficile. Et effectivement cette natation peut être une vraie épreuve.
La mise à l’eau est assez isolée, et à part un petit drapeau et un flash stromboscopique, il n’y a personne pour vous indiquer le chemin ou vous tenir la main. C’est une course en pleine nature, pas une maternelle ! D’un autre côté, on ne voit qu’une île. Par conséquent il n’y a pas vraiment de doute quant à la direction à prendre. Les équipes sont plus clairsemées que pour les longues natations précédentes. Il n’y a pas d’île notable autour, ce qui favorise la formation de vagues. Il y a souvent un peu de courant latéral.
Enfin, on distingue mal l’île. Le point d’accostage est en fait derrière un petit promontoire. Alors depuis l’eau on ne voit pas les coureurs devant sortir de l’eau. Si on ne se sent pas très bien à ce moment, le moral en prend un coup.
Mais il faut simplement persévérer, soigner sa trajectoire et sa technique de nage en pleine mer. Les équipes fortes en natation peuvent gagner beaucoup de temps. On risque d’avoir froid, non pas parce que l’eau est spécialement plus froide qu’avant (l’eau généralement est plus chaude en fin de parcours qu’en début), mais parce qu’on est un peu fatigué, et les contractions musculaires sont moindres et génèrent moins de chaleur, et on passe un peu plus de temps dans l’eau. Enfin cette minuscule île arrive et on grimpe un rocher escarpé pour être accueillis par des volontaires souriant(e)s qui vous offrent à boire et, luxe inouï, des barres chocolatées. J’ai personnellement rarement mangé avec autant de plaisir ces barres !
Si l’on n’a pas froid dans l’eau, c’est souvent en sortant que le froid vous saisit. Et on pense alors à courir pour se réchauffer. On quitte ce havre de chaleur humaine pour s’enfoncer dans une forêt au sentier tortueux et techniques. Soudainement on arrive après seulement 430m sur une autre section de natation.
Cette dernière est minuscule, 60m à peine. Mais il faut se remettre à l’eau alors qu’on n’a pas encore eu le temps de se réchauffer. Motivés, on saute à l’eau et je ne crois pas que quiconque attend son ou sa partenaire et chacun nage le plus rapidement possible pour se réchauffer en courant. On est enfin sur Mörto – Bunso et la barrière horaire de 14:30. On a couvert 41.25 km, quasiment un marathon, et il reste ‘seulement’ 33km.
Barrière horaire à 16 :00
Les 6 kilomètres suivants sont faits d’une alternance très agréable avec des distances qui permettent de trouver le bon rythme. Les équipes de têtes sont attentives à leurs transitions pour minimiser les pertes de temps. Sur Kymmendo on trouve la prochaine barrière horaire à 16:00, mais aussi un ravitaillement important.
En effet, après cette pause et une courte natation de 300m, on attaque les 19km à pied de Ornö. Les suédois disent souvent que la course commence à Ornö. La course à pied commence par de la forêt et des sections de grandes dalles rocheuses, puis glisse doucement vers des routes de terre battue qui se couvrent de bitume en descendant vers le village de Ornö.
C’est là que se trouve un ravitaillement bienvenu en bas d’une descente qui fait mal aux quadriceps mais où on ne peut pas ralentir car les spectateurs nous regardent ! On vient de faire 12km, et il en reste 7.8km. Ce ravitaillement signale aussi les 15 derniers kilomètres de la course. Nous commencons à en voir le bout. Les équipes de tête sont en pleine bagarre. Elles savent qu’elles peuvent gagner ou perdre la course. Elles savent aussi que pour une fois il y a quelques longues sections où on peut voir ses adversaires de loin et jauger des vitesses relatives.
Certaines illusions se sont envolées, des rêves de victoire brisés, mais aussi des espoirs y sont nés. Les coureurs qui ont encore de l’énergie peuvent forcer l’allure. Les nageurs s’accrochent à leur avantage. Mais même si la fin se dessine, il ne faut surtout pas baisser de rythme.
Pour les derniers, il y a encore une barrière horaire à passer avant 18:00 pour quitter l’île d’Ornö. On peut trouver cette dernière barrière un peu dure après plus de 67km. Mais si on n’est pas capable de tenir l’allure, nous allons finir dans la nuit. Impossible de naviguer en sécurité dans les dernières natations et de suivre le parcours technique en forêt dans le noir. Pour les premiers, tout est encore à jouer.
Dernier ravito
Le dernier ravito se trouve sur l’île de Långbäling. Rapidement avalé, on fonce en pleine forêt, et c’est pour les équipes fortes en trail et avec encore un peu d’énergie une chance de gagner du temps. Il n’y a plus de longue natation, et c’est maintenant le domaine des coureurs. On traverse encore un chapelet de minuscules îles complètement inhabitées et sans chemins qui sont séparés par de petits bras de mer, souvent parcourus par un fort courant traversier. Il ne faut pas hésiter à faire un peu plus de chemin pour monter en amont et nager droit en se faisant dériver par le courant.
Enfin on arrive sur Utö après un dernier plouf d’à peine 100m. Les spectateurs que l’on ne voyait plus depuis environ 15km réapparaissent, un retour à la civilisation après pas mal de temps passé en pleine nature.
Dès lors on sait qu’on va finir quoi qu’il arrive, il ne reste que 3,3 km sur route. Il faut savourer la fin d’un périple en commun. On peut prendre son temps paisiblement. On peut forcer l’allure pour passer ces concurrents que l’on voit à portée de main dans les quelques lignes droites qui peuvent paraître interminables. On doit parfois forcer l’allure pour ne pas laisser disparaître un avantage qui nous a couté tant d’effort. Ou, pour une minorité se battre pour la victoire.
L’arrivée à Utö est magnifique pour les spectateurs, mais dure pour les concurrents : une série de marche en contre-bas de la ligne d’arrivée en pleine vue des spectateurs pousse à un dernier effort. Mais au bout de 75km, le plaisir de passer la ligne avec son binôme est immense, et ce quelle que soit la place.
François-Xavier Li