Compte-rendu de courseCourses

Swimrun Cote Vermeille 2025: la traversée du calvaire vers la délivrance et la victoire

Enfer Occitan : Une Épreuve Marathon vers les Mondiaux

Le compte rendu de Florian Schäfer, coéquipier de Lydie, offre une immersion brute dans l’Enfer Occitan, un swimrun d’une exigence rare qui sert de préparation cruciale pour les Championnats du Monde ÖTILLÖ en Suède. Malgré un début de saison mitigé et des doutes sur leur forme, le binôme Florian et Lydie, uni par une confiance et une audace profondes, a abordé cette épreuve redoutée, marquant un tournant dans leur préparation pour les plus grandes échéances. Ce récit détaille leur progression, les défis physiques et psychologiques rencontrés, et l’importance du soutien mutuel face à l’épuisement.

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1. Un Départ Inconstant, une Ambition Grande Distance

Nous y voilà. Notre premier « vrai » chantier sur le « longue distance ». Des émotions contradictoires nous animent. Notre début de saison, assez chaotique et inconstant après les deux étapes des championnats de France, nous a laissé un goût amer. Deux formats plutôt courts, de moins de quatre heures, nous avaient mis le doute sur notre niveau de forme actuel. Aujourd’hui, nous savions que nous prenions le départ d’un des swimruns les plus durs et redoutés, fort de ses presque neuf kilomètres de natation et cinquante-cinq kilomètres à pied, avec plus de deux mille cinq cents mètres de dénivelé positif, la technicité des chemins côtiers et l’hypothèse d’une chaleur accablante. Avec l’état de forme d’il y a à peine six semaines, jamais nous n’aurions pris le départ.

Nous savions néanmoins que la forme était plutôt sur la pente ascendante. Les deux séances d’entraînement de sept heures trente et six heures réalisées nous avaient quelque peu rassurés. Lydie semblait avoir retrouvé ses poumons, et moi, je consolidais un niveau de forme acquis dernièrement.

2. L’Assaut de la Côte et la Prise de Leadership

Cap Cerbères, six heures du matin. La vue de la côte laissait présager une longue journée qui nous mènerait à Argelès, point final de notre aventure. Quand le départ fut donné, nous nous lançâmes tranquillement à l’assaut de la première course à pied, longue de huit kilomètres. Relativement loin derrière, nous ne pointions pas dans le top cinq des équipes mixtes sur les premiers hectomètres. À la cool, la longe fut rangée dans notre haut Kangourou. Quelques paroles furent échangées avec Lydie, qui se sentait « enfin » bien ! De mon côté, tous les voyants étaient également au vert. Le calme du départ nous laissa le temps de contempler les paysages, un confort que nous n’avons jamais sur les épreuves plus courtes où le cardio se retrouve dans la boîte à gants dès les premières minutes d’effort.

Nous prîmes le leadership des équipes mixtes dans la descente nous menant à la première natation dans le port de Cerbère. S’ensuivit un long enchaînement de natations en bord de côte et de parties pédestres sur chemins côtiers, ce qui nous permit de faire notre trou en tête de la course mixte (et à la cinquième place au général). Banyuls-sur-Mer et Port-Vendres, en passant par les petites plages typiques de la région. On se gavait de paysages. On contrôlait. On profitait. Jusqu’à Collioure, on va dire que la vie était belle. On longeait et on dé-longeait au gré des parties plus ou moins techniques. Une mécanique bien huilée. La confiance régnait, même si on gardait dans un coin de la tête que tout pouvait vite basculer sur ce genre d’épreuve. Pas de triomphalisme, mais quand même, l’heure était à la fête. Tout allait pour le mieux mentalement et physiquement, et le ravitaillement de Collioure vit fondre sur lui un joyeux et gourmand luron qui opta pour un festin de roi : des samosas sauce asiatique ! Rien que ça.

3. La Madeloc : Le Calvaire Sous un Soleil Implacable

Pour le moment, pas un nuage à l’horizon… et ça allait être ça le problème. Dès le départ, j’anticipai une fin d’épreuve caniculaire sous un soleil qui ne faiblirait jamais de la journée. Je buvais beaucoup plus qu’à l’accoutumée. On m’appelle parfois le « chameau » au regard de mes habitudes et capacités à peu me ravitailler en eau sur les épreuves « normales ». Aujourd’hui, j’avais décidé de ne pas jouer avec le feu. Malgré nos arrêts fréquents pour recharger en eau, je commençai à passer en surchauffe à partir de cinq heures trente de course. À l’évidence, notre climat presque jurassien ne m’avait jamais permis de m’acclimater à la chaleur en ce début de saison. La sanction tomba lors du « long run » de dix-sept kilomètres sur les traces de l’ascension de la « Madeloc ». Début de crampes dans la nuque et frissons sur le crâne… le genre de choses qui n’annoncent rien de bon. J’annonçai assez rapidement à Lydie que je n’étais plus en mesure de tracter et qu’il fallait ranger la longe sur ce run, sous peine de rester dans le fossé. Lydie était pédagogue, elle acquiesça. En fait, elle savait surtout que ça ne servait plus à rien de tracter : le chameau était rincé.

Les sentiers bordés de végétation ne dépassant pas deux mètres de haut, l’exposition maximale, le soleil zénithal, pas une brique de vent… pour moi le calvaire commença ici. À mi-ascension, je commençai à sentir que je n’étais pas loin de subir des baisses de tension. Au dernier ravitaillement avant les six derniers kilomètres menant au sommet, je regardai ce qui me semblait être le point culminant en priant au plus profond de moi pour que ça ne le soit pas. « Putain, je suis sûr que c’est ça la Madeloc… bordel… ». Je regardai le sommet intermédiaire. J’interpellai un bénévole en le lui montrant et en lui demandant si on allait bien là. Évidemment, j’espérais une réponse positive, même si je savais que la réponse serait négative. Je savais qu’il allait me montrer le « vrai sommet », le sommet le plus haut. C’est dingue comment le cerveau devient totalement irrationnel dans ces moments de grande perdition. Tu sais déjà que tu vas poser une question idiote dont tu connais déjà la réponse, mais tu ne peux t’empêcher de la poser tellement l’espoir de la réponse improbable pourrait être une délivrance pour toi. Comportement irrationnel. Totalement émotionnel.

4. L’Acceptation de l’Aide et le Soutien Indéfectible de Lydie

Sa réponse fut évidente et calme. Calme pour lui. Cinglante pour moi. « Vous montez là-bas ». Calme pour lui. Cinglante pour moi. Comment allais-je monter là-bas dans l’état dans lequel j’étais ? S’ensuivit un long chemin de croix. Chaque pas était une souffrance. Dans les derniers tiers de course, nous avons pour habitude de faire des retours tonitruants au cours desquels on ramasse les morts. Aujourd’hui, rien de tout ça. Le mort, c’était moi. Une galère, juste une longue galère où je voyais le long chemin de crête comme une descente progressive dans les abysses de ce qu’il me restait d’énergie. Lydie, toujours impériale, toujours en contrôle, resta derrière moi, silencieuse, assistant à la lente agonie de son binôme.

« Tu veux que je te pousse ? ». Une phrase. Calme pour elle. Cinglante pour moi. « Non, ça va, ça va faire des à-coups ». Franchement, c’est vrai, putain, ça allait faire des putains d’à-coups… La pilule était dure à avaler. J’ai l’habitude de tracter et j’aime tracter. J’aime jouer ce rôle. Analogie avec la vie de tous les jours où j’ai toujours été plus à l’aise dans le rôle de celui qui aide que dans le rôle de celui qui reçoit. Aujourd’hui, il allait falloir accepter l’inversion des rôles. Réaliser le travail mental qui consiste à déstructurer les habitudes. Se recâbler mentalement pour continuer d’avancer…

5. Le Réconfort au Sommet et la Lutte Finale

Quand nous atteignîmes enfin la « Madeloc », ce fut une forme de délivrance. Après avoir perdu au moins dix minutes dans la montée, nous en reperdîmes tout autant devant le buffet de fruits. Ravitaillement : eau, fruits, eau, fruits, étirements, crampes, étirements, crampes, eau, fruits… Le chameau se gorgea tant qu’il put avant de repartir pour la descente, et enfin, pour rêver à nouveau à une mise à l’eau. En vision périphérique : un autre concurrent, sous oxygène.

Lydie, perspicace : « Regarde Flo, il y a pire que toi ! ». Ma binôme, discrète, mesurée, toujours sous contrôle, lâchait parfois des punchlines venues d’ailleurs. C’était vrai, il y avait pire que moi et la perspective d’abandonner alors que nous étions en tête restait pour le moment dans le domaine de l’inconcevable. « Jusqu’à la mort ». Il paraît que j’ai dit ça. Je ne m’en souviens pas.

Enfin de la descente, enfin des parties roulantes où je pouvais exploiter un tant soit peu les qualités de « rebond » de ma foulée. Retour à la mer. La joie de retrouver un peu de fraîcheur serait de courte durée. L’alternance chaud à l’extérieur et frais dans l’eau, sur un organisme déjà bien entamé, rendrait la fin de course vraiment difficile. Le mental tenait désormais le bonhomme. Évidemment, la longe était rangée. Lydie nageait désormais dans les pieds sans être attachée. Je ne ménageais pourtant pas ma peine tellement l’envie de passer cette foutue ligne d’arrivée était forte. Ma binôme était aujourd’hui clairement dans un bon jour et se payait le luxe de me guider dans mes ravitaillements. À ce moment de la course, j’avais perdu une grande part de ma lucidité, ce qui me faisait oublier (ou refuser) de boire et de manger. Lydie se transforma en une maman d’enfant capricieux.

« Flo, je prends un gel, tu en veux un ? » ; « Flo, je bois, tu veux boire aussi ? ». Toujours avec beaucoup de stratégie et de tact. Ne pas braquer le petit capricieux. Mimétisme de l’enfant avec sa maman qui mange quand elle mange et boit quand elle boit. Je ne pensais pas que le swimrun permettait d’aborder les problématiques psychologiques de la « régression ». La Côte Vermeille rend ce genre d’expérience régressive possible.

Ça sentait la fin. La fin de la course ou la fin de moi. Chaque transition était une galère. J’enlevais le haut de la combinaison même lorsque les parties courues étaient très courtes. On ne va pas se mentir. J’en avais plus rien à foutre des transitions rapides. Je remettais ma combi à chaque fois en étant statique dans l’eau. Peu importait le temps perdu. J’en avais plus rien à foutre des paysages. Oui, franchement, c’était beau, mais rien à foutre que ce soit beau. Plus rien ne comptait sauf l’arrivée.

6. La Victoire et les Séquelles de l’Enfer Occitan

Neuf heures quarante de course. Fin du game. Nous passâmes la ligne. Délivrance. Nous venions de nous adjuger la victoire sur le swimrun de ce début d’année, qui nous serait, je l’espère, un support de millions de points d’expérience en vue de l’objectif majeur de l’année : ÖTILLÖ, support des championnats du monde de la discipline qui auront lieu en Suède dans à peine plus de deux mois. Nous venions d’affronter l’enfer occitan en préparation de l’enfer scandinave.

Ma joie ne serait que temporaire. Je croyais que c’était fini, mais ce n’était pas fini. Pour Lydie, c’était fini. Pour moi, non. Le retour à l’appartement en marchant fut une nouvelle épreuve.

À l’heure de repartir pour la remise des récompenses : « Flo, on doit y aller, il est dix-huit heures dix, comme prévu ». « Je suis dans le bad, impossible de sortir du lit, j’ai froid, la nausée… Vas-y sans moi et je te rejoins si je peux… ». Lydie assura son rôle de médecin et de maman, puis s’en alla en quête de notre trophée.

Coup de fil de Laura. Laura est ma femme. « Lydie vient de m’appeler pour me dire que tu es couché… On rentre à l’appart avec Hugo, on ne te laisse pas seul dans cet état ». Hugo est mon fils, quatre ans.

Maman Lydie avait laissé place à Maman Laura au chevet du chameau déshydraté. Hugo débarqua dans la chambre, survolté. « Papa, on joue à loup touche touche ? » 😅.

Merci à toute l’équipe organisatrice et à tous les bénévoles de nous permettre de vivre des moments si riches et si intenses. Bravo à tous les finishers, car celle-ci, il fallait aller la chercher.

Résultats – Ultra Ötillö Côte Vermeille 2025

*(63 km – ≈ 2 500 m D+) *

Classement des trois premiers binômes par catégorie à partir du classement officiel Universal Timing publié le 16 juin 2025.

Hommes ♂︎

RangÉquipeAthlètesTemps
1Team Orama – Alexis & HugoAlexis Charrier / Hugo Tormento07 h 50 min 54 s
2Ultra PotesTom Ralite / Rémi Menut08 h 41 min 06 s
3G & GGuillaume Saint-Macary / Arthur Horseau09 h 05 min 08 s

Femmes ♀︎

RangÉquipeAthlètesTemps
1TAC Girls Team ToulouseCharlene Davignon / Isabelle Saint-Macary13 h 07 min 20 s

Aucune autre équipe féminine n’a été classée dans le temps imparti cette année.

Mixtes ⚤

RangÉquipeAthlètesTemps
1Team Schäfer CoachingFlorian Schäfer / Lydie Waucquier09 h 40 min 19 s
2Les BrivistesPauline Storchan / Tristan Girerd10 h 01 min 30 s
3Team Laurie & CédricLaurie Auzeil / Cédric Figarola10 h 39 min 22 s

À retenir

  • Nouveau record masculin : Alexis Charrier & Hugo Tormento abaissent la marque de l’épreuve sous les 8 heures.
  • Seul un binôme féminin a franchi la ligne dans le délai réglementaire, soulignant la sélectivité accrue du parcours 2025.
  • Le podium mixte se tient en moins d’une heure, preuve d’une belle densité dans cette catégorie.

✍️ Florian Schäfer / NotebookLM
🔗 https://www.swimruncotevermeille.com/
📷 crédit photos Swimrun Cote Vermeille / ALEXANDRE / GEM / THOMAS / KEMOKHO
🎥 Swimrun Cote Vermeille
🎨 O3 / Akuna
IG : @schafercoaching @lydie.waucquier
📓 Archives 👉https://swimrunfrance.fr/2024/10/27/florian-et-lydie-lappetit-vient-en-nageant/ 👈

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