Compte-rendu de courseCourses

L’Enfer du Kilomètre Vertical du Swimruman de Laffrey

💥 7h30 dimanche matin. Le coup de départ retentit à proximité du lieu dit « La Fayolle », entre le lac de Pétichet et le Grand lac de Laffrey.
Notre binôme n’est pas très expérimenté. Troisième course avec Lydie après la Gravity Race et Otillo Göteborg. Fidèles à nos « habitudes », départ prudent. Dans la même logique que pour les épreuves précédentes, on est là pour découvrir du paysage, se faire plaisir, en gardant à l’esprit que le top 5 reste un objectif réaliste en vue de la course aux points pour les championnats du monde Otillo 2025.

Un départ prudent, mais prometteur

45ième au premier pointage : oui, départ prudent, trop prudent. Nos deux premières courses ont, à chaque fois, abouti à la même dynamique de course : une course poursuite pour revenir de l’arrière. Aujourd’hui ne dérogera pas à la règle.

Une course poursuite intense

🏃Première course à pied de 1,6 km. Le peloton qui s’étire nous permet de tirer la longe en fin de cette première partie pédestre. Première mise à l’eau dans le lac de Pétichet. Rapidement, nous revenons dans le top 15 à une place qui aurait dû être la notre dès le départ afin de bénéficier de la dynamique de course des binômes de tête.

La plus longue section à pied de la journée (7km) arrive dès la sortie de l’eau. Parcours vallonné, sous bois, végétation luxuriante. Magnifique. Les quelques sections qui se succèdent nous amènerons à sortir du lac de Pétichet pour rejoindre le Grand lac de Laffrey.

Après 1h30 de course, nous pointons à la 10ième place au général, et 2ième en mixte. La communication dans le binôme est top, la course va bon train, sans encombres : transitions propres, ravitaillements réguliers, ça sent la sérénité. Néanmoins, les pointages sur le binôme mixte de tête (Albi Triathlon) laissent témoigner que nous perdons régulièrement du terrain… Dans ce genre de situation, deux options émergent : ils sont partis trop vite et on va aller les cueillir, ou ils sont plus forts que nous, et on ne les reverra jamais. On ne panique pas, mais intérieurement, je commence à me dire que ces deux là ne sont pas tombés de la dernière pluie…

Le doute s’installe avant le “big swim”

La section 5 en natation de 1,2km (2ième natation plus longue de la journée) sera probablement le moment de doute le plus palpable de la journée. Nous laissons repartir un binôme sur la section en étant incapable de tenir dans les pieds, ce qui nous fera rétrograder d’une place au classement. On n’a pas l’habitude, on n’aime pas trop. Nous sortons de l’eau en ayant froid. Nous commençons à douter sur le bien fondé d’avoir fait le choix de la combinaison sans manches… surtout au regard du « big swim » de 2,4km que l’on rejoindra d’ici peu sur la rive opposée… Moment de flottement, le doute s’installe, et un pointage à plus de 3 minutes de la première équipe mixte témoignera qu’ils nous tiennent la dragée haute en augmentant doucement mais sûrement leur avance.

L’arrivée sur la partie la plus au Nord du parcours nous fera longer quelques centaines de mètres le lac de la Mort lors d’une course à pied de 4,5km qui nous permettra enfin de nous réchauffer.
🏊‍♂️ Après presque 3 heures de course, c’est l’heure du « big swim » avec une mise à l’eau stratégique en compagnie d’un binôme homme. L’objectif est simple : rester dans les pieds, encore et toujours. Nous savons que les fins de courses sont propices à de grosses défaillances et jouer notre « va tout » ici pourrait conditionner la suite. Chaque mètre perdu donne matière à relance afin de rester dans le sillage. Nous sortons de l’eau 7ième au général, les bras sont explosés, avec l’impression d’avoir donné notre âme dans cette ultime natation avant le KV.
A posteriori, nous savons aujourd’hui que notre âme est bel et bien restée avec nous dans le Grand lac, mais que c’est le KV qui nous l’a ensuite volée.

L’ultime défi, le Kilomètre Vertical (KV)


⛰ 💣Le KV : « l’enfer est pavé de bonnes intentions ! »
A la sortie du Grand lac, un petit kilomètre nous sépare du départ du KV : une montée sèche qui nous fait prendre 1000m de dénivelé en seulement 1900m à parcourir. Plus de 50% de pente de moyenne, des passages à plus de 70%. Apparement, un des KV les plus pentus connus.
Le temps d’un ultime ravitaillement. Le temps d’une ultime introspection. Beaucoup d’ambivalence au niveau émotionnel. Nous connaissons nos forces et faiblesses. Pour ma part, ma seule expérience en KV s’est avérée être un des plus gros fiascos jamais connu. Un championnat de France de KV au cours duquel j’arrive sûr de moi, fier de mes sub 32′ sur 10 km… Le verdict restera sans appel. Je prendrai 10 minutes sur la tête de course, totalement abasourdi. Je comprendrai par la suite que le profil « biomécanique » de l’athlète est un facteur déterminant sur ce genre d’épreuve. Etant un coureur « aérien », mes terrains privilégiés sont les profils « roulants », sans pente excessive, sur sols « durs » afin de bénéficier au maximum de « l’effet rebond » de ma foulée. Soit dit en passant, l’inverse de ce que nous propose ce KV.

Néanmoins, nous avons aussi plusieurs cordes à notre arc :
Tout l’abord, le contexte aujourd’hui est différent. Nos adversaires ne sont pas des spécialistes du trail, mais de swimrun, donc beaucoup moins aguerris sur ce type d’exercice hautement spécifique.
Ensuite, ce KV se déroule en « pré-fatigue », avec déjà 4h d’effort dans le cornet, et jusqu’à présent, nos fins de course ont toujours été tonitruantes.
Enfin, je ne suis pas seul, et Lydie est plus polyvalente que moi et a déjà démontré que le pourcentage de la pente dégradait beaucoup moins sa performance que la mienne.

Au pied du KV : 4 minutes de retard sur la tête. Dans un dernier échange avec le monde de la plaine, un savoyard nous explique que 4′ sur un KV, c’est « rien » 😬. On va faire confiance à l’ancien et jeter nos dernières forces dans la bataille.
On comprend notre douleur rapidement. En quelques hectomètres, on passe les 50% de pente, et même la marche devient difficile. Les distances étant totalement « écrasées » par la pente, en peu de temps, nous apercevons la combinaison noire et rose de Mélisandre entre plusieurs athlètes qui partagent notre galère. L’ancien avait raison. L’exercice est tellement spécifique que les cartes peuvent être rabattues à tout moment. La perspective de la gagne est à la fois loin et à la fois à portée de main. Nous relançons, fort. La peur que le KV se termine trop vite et de ne pas avoir le temps de revenir accroit notre envie de revenir vite. Une débauche d’énergie, la jonction est faite. Enfoncer le clou, de suite. Relancer. Donner l’impression d’être un cran au-dessus. Semer le doute. Prolonger son effort.

Nous quittons la partie boisée du KV en 4ème position au général, 1ère équipe mixte. Nous évoluons dans la brume, au sein du plafond nuageux. Regarder le fanions rouge, l’atteindre, le dépasser, regarder le suivant… Comme le diraient les locaux : « Allez-y ! Droit dans l’Pentu ! ». Difficile de se perdre. Monter, encore et encore, droit dans la pente. Non ! droit dans l’Pentu !
La communication au sein du binôme se résume à un strict minium. Quelques boutades, pour essayer de détendre l’atmosphère :

  • « Lydie, j’ai un peu honte, on en train de terminer une course en montant à 4 pattes comme deux clebs… je n’ai jamais connu ça ».
  • « Ouais, franchement, je suis en train de perdre toute ma dignité… stp ne te retourne pas…pas trop envie que tu gardes cette image de moi.»

Bref. On essaie de faire court, concis. Le passage au-dessus du plafond nuageux nous rapproche un peu plus du finish. J’incite Lydie a regarder derrière elle car le spectacle dans la vallée est magnifique. Une mer de nuages. D’habitude calme, posée, bienveillante, ma coéquipière m’envoie une fin de non recevoir. L’heure n’est pas encore à la contemplation, et autrement dit, elle « n’en a rien à foutre du paysage et des nuages ». Comme à son habitude, elle ne lâchera rien.

Une expérience inoubliable et une victoire savourée

La vue de l’arche d’arrivée marquera la fin de notre effort. Les écarts créés nous permettent de savourer cette fin d’épreuve, à la fois inédite et originale. 4ème au général, 1ère équipe mixte en 4h54 😍 Il y a certes la satisfaction de la victoire. Passer la ligne en tête a toujours une saveur particulière quand on est compétiteur. Mais cette fois, il y a aussi tout cet environnement magnifique qui vient « catalyser » les émotions ressenties.
Bravo à tous les finishers, et un grand merci aux organisateurs dont l’intention de proposer ce genre de finish relève du génie. Il paraît que l’enfer du KV est pavé de bonnes intentions. Merci d’avoir pris soin de nous.

✍️ Florian Schäfer
📷 crédit photos Swimrunman
🎥 Swimrunman
IG : schafercoaching
🔗 http://www.rockmanswimrun.com/

Leave a Reply