Interview ÖtillÖ Swimrun WC 2021 Matthieu Poullain Hugo Tormento
Swimrun France a choisi de suivre quelques binômes lors des championnats du monde ÖtillÖ de Swimrun 2021 qui ont eu lieu le 6 septembre dernier dans l’archipel de Stockholm, Suède. À la fois au travers de portraits écrits durant l’été avant la course, ou bien encore lors de « facebook live » sur place en Suède à Djurönäset, vous avez pu suivre l’aventure de nos duos français, mixte, féminins et masculins. Nous vous livrons maintenant leur retours d’expérience sur plusieurs interviews filmées lors de la manche ÖtillÖ de coupe du monde de Cannes.
Sur le ponton du Martinez, la finishline très glamour de la WS Cannes, Matthieu et Hugo (leur portraits d’avant course ici) témoignent de leur expérience singulière des championnats du monde ÖtillÖ de Swimrun 2021.
Transcript
Jean Marie Gueye: Bonjour Matthieu
Matthieu Poullain: Bonjour Jean Marie
Hugo Tormento: Salut Jean Marie
JM: Nous sommes actuellement sur le ponton de l’hôtel Martinez et nous sommes à Cannes et nous sommes à la manche de coupe du monde de l’ÖtillÖ Cannes. Mais nous n’allons pas parler de l’ÖtillÖ Cannes nous allons parler des championnats du monde de Stockholm qui ont eu lieu début septembre.
Je suis avec la meilleure paire française qui a fait 3ème au championnat du monde. J’avais fait un portrait d’eux sur Swimrun France et on va un peu débriefer sur leurs courses voilà. Je vais donner la parole à Matthieu, d’abord tu peux nous dire comment s’est passée ta course dans les grandes longueurs, on y reviendra dans les détails. Et je donnerai la parole à Hugo après. Alors comment s’est passée la course à peu près dans les grandes longueurs ?
Matthieu: si on prend dans les très grandes longueurs on peut dire que c’est bien passé puisqu’on a fini sur le podium. Ce qui était notre objectif de début de saison donc bon on va pas se plaindre c’était course incroyable. Après il s’est passé énormément de choses dans la course mais dans l’ensemble on a on a respecté le plan qu’on s’était fixés. On s’est bien géré, et on finit sur le podium. C’est super !
JM: Ce podium tu l’avais rêvé souvent Hugo ?
Hugo: Oh oui ! Quelquefois ! En fait on est on est allé en 2020 et 2021 sur le parcours durant l’été français faire une reconnaissance. Et du coup sûr que déjà je m’étais projeté avant mais durant ces reconnaissances je me suis encore plus projeté. Et on l’a fait donc on est vachement content.
JM: Pour la petite histoire, moi je me souviens de les avoir rencontrés aux mille lacs en 2019. Des jeunes gars comme ça à plein de jus et qui avaient vraiment estomaqué tout le monde en remportant la coupe du monde.
Et c’est après ça vous êtes dit bon ben on va faire un tenter le coup sur les championnats du monde voilà quoi.
Hugo: Ça a été clairement l’élément déclencheur, en fait on s’est rencontré avec Matthieu après les championnats du monde en 2018 où je les fais en mixte et je suis sorti le genou. Matthieu étant kiné sur Montpellier. Moi je venais d’arriver on m’a conseillé d’aller voir Matthieu. Puis à force de problèmes, puisqu’après je me suis fait la clavicule, on a le temps de bien échangé avec Matthieu. Et de se motiver pour pour faire une première course ensemble sur Hvar en 2018 où on fait 6.
Matthieu: 2019
Hugo: en 2019 où on fait 6 et on prend une qualif ÖtillÖ. Matthieu c’était pas dans ses plans de faire les mondes à ce moment là. Donc je les ai fait mon frère sauf que c’est quand même dit on vient de faire 6 on va pas rester là dessus on va essayer d’aller chercher un podium à un moment sur une coupe du monde. Et donc du coup la deuxième course qu’on fait c’est 1000 lakes. On remporté 1000 Lakes !
Matthieu: clairement ça a été un déclic pour nous mais il est qu’après on avait déjà compris en faisant Hvar qu’il y avait moyen d’aller chercher quelque chose en se préparant un petit peu. Moi c’était la première fois que je faisais une manche ÖtillÖ enfin je découvrais complètement. Hugo lui revenait de blessure, enfin trois mois avant il avait la clavicule pétée, enfin c’était déjà pas mal d’être au départ.
Donc après Hvar on s’est mis en tête d’aller chercher un podium sur une manche ÖtillÖ. Puis quitte à être là, on est joueur, on est compétiteur, on voulait s’amuser. On s’était dit bon on va mettre en place une tactique et on verra ce que ça donne. si jamais il y a moyen d’aller chercher la gagne bah on essayera ! Et on tentera le tout pour le tout.
C’est vrai que ce jour là bas c’est ce qui s’était passé. On avait dit on attaquera à tel endroit on avait attaqué on avait réussi à partir. On avait été assez surpris d’ailleurs parce qu’on s’y attendait pas forcément. On s’était dit on va essayer, on va s’amuser, on veut jouer et ça avait fonctionné on avait gagné (voir le récit de leur victoire ici) c’est vrai qu’après depuis 1000 Lakes forcément l’étape d’au dessus c’était ÖtillÖ: le podium, la victoire, on sait jamais trop.
Après on sait que ÖtillÖ c’est hyper spécifique. C’est le terrain des suédois. Donc on s’était donné comme objectif d’arriver à monter sur le podium. Évidemment, on espère toujours, sur un bonne journée, pas un coup de chance mais il faut quand même être vraiment préparé aux cailloux et je pense qu’on a encore un petit peu à travailler là dessus. Mais bon voilà c’était notre objectif de performer sur ÖtillÖ.
JM: Il n’y a pas que nous qui croyons en vous il ya aussi apparemment la team Ark qui a investi en vous. C’est quand même une sacrée marque de reconnaissance ?
Hugo: Yes au tout début en fait ils étaient partenaires de Matthieu avant d’être partenaire de nous deux.
Matthieu: avec Eugénie
Hugo: Pendant le premier …. j’ai le mot en anglais.. lockdown
Matthieu: confinement
Hugo: Premier confinement tout s’est joué à ce moment là en fait. C’est Denis qui était le manager des athlètes à ce moment là pour Ark qui nous a contacté via les réseaux sociaux et qui a dit « faut que tu viennes chez Ark ». J’ai dit « Écoute, aujourd’hui je suis sur une autre marque j’ai déjà ça donc je vais pas me priver de ça qu’est ce que tu veux faire ? » et il nous a proposé quelque chose de mieux. il croyait au projet. Christopher le fondateur de la marque a dit banco !
Matthieu: c’est vrai que moi du coup j’étais déjà chez Ark avec Eugénie, depuis la première étape qu’on avait couru ensemble à Scilly. On avait déjà le matériel sous les mains, on avait les combis. J’avais dit à Hugo « Mais enfin c’est incroyable la différence, leur combis sont ultra performantes »
C’est vraiment des combinaisons qui sont dans l’optique de performer quoi ! C’est pas pour la faire de la masse c’est vraiment pour performer. Au final maintenant tout le monde les prend. Tout le monde se les arrachent parce que elles sont hyper légères, elles ont en même temps une bonne flottaison enfin ils ont une gamme qui est assez large. On savait dans quoi on s’engageait aussi.
JM: oui c’est ils font les choses très sérieusement, à tel point que vous avez même fait des voyages de reconnaissance sur le terrain. C’est ça vous avez pris du du temps pour aller en Suède. C’est ça ?
Hugo: On a essayé de faire un point un moment et de se dire: « ok qu’est ce qui nous sépare ? Qu’est ce qui nous sépare d’eux ? On s’est dit l’entraînement, parce qu’ils sont quand même meilleurs que nous sur du très long. C’est beaucoup plus d’expérience et puis après ça ça se travaille c’est pas très compliqué. Faire des heures, ça prend du temps mais il faut de l’investissement et faire des heures.
Par contre il ya un truc qu’on ne pourra jamais rattraper: c’est le terrain. On se dit ok bon bah c’est parti ! Banco: on met l’argent sur la table et on part en part en Suède faire le parcours.
On avait fait ça déjà en 2020 où c’était déjà dans nos têtes d’aller chercher le podium cette année là. Et en fait quand on est revenu, ils nous ont appris que l’ÖtillÖ n’aurait plus lieu. Du coup on l’a fait en 2021 !
Mais c’est rien de perdu, c’est ça de gagné. Ça a permis à moi de le refaire encore deux nouvelles fois. Matthieu de le découvrir deux fois. Première année on l’a fait, on l’a coupé en trois fois. Deuxième année on l’a coupé en deux fois. Ça fait une étape progressive et à mesure par rapport au truc et c’est sûr que c’était un gros avantage pour notre jour J de savoir tout ce qui nous attendait quoi !
JM: on va revenir sur l’ÖtillÖ de 2021 et ce truc assez extraordinaire qui vous est arrivé. Pour la petite histoire, moi j’étais là et je les vois débarquer du Pig Swim. Je film mais et là c’est un peu la cata et… raconte tout ce qui s’est passé ?
Matthieu: c’est clair qu’à ce moment là tu étais là et on le voit sur les images. J’arrive pas à sortir de l’eau mais enfin du coup ce qui s’est passé c’est juste avant la pig swim j’ai posé le pied de travers sur un endroit qui n’était même pas technique. Alors qu’on venait de passer sur des rochers qui était hyper dangereux, hyper glissants et là c’était pas technique j’ai posé le pied de travers et j’ai senti craquer à ce moment là. Je me suis dit ouh ça sent pas bon !
On s’est mis à l’eau de toute façon il fallait nager 1400 m aussi avec le froid ça va peut-être passer. Hugo il savait pas trop à ce moment-là il m’avait juste entendu crier mais il savait pas ce qu’il en était. En fait pendant la natation il y avait Fredrik et Lars, les suédois qui ont finit 2e à la fin, qui me tapait dans les pieds et la vibration faisait mal au pied.
Donc quand même en tant que kiné j’ai bien compris qu’il y avait peut-être une fracture. Quand on sort de l’eau et que j’arrive pas à me lever et je dis à Hugo « j’ai le pied cassé, j’ai le pied cassé » là on a ça a été un peu dur ! Je pense que tu peux raconter ?
Hugo: À ce moment ça a été assez compliqué, et ce que j’aime à dire: Tartenpion te raconte qu’il a le pied cassé, je dis oui bon on va continuer on verra après. Un kiné qui te dit qu’il a le pied cassé bon il s’est un peu de quoi il parle ! Donc sur ce moment… bon bah c’est foutu et je lève la la tête, j’appelle, je demande à tout le monde d’appeler un médecin. Truc que je ne sais pas pourquoi mais j’arrête la montre… pour moi c’était fini !
Et là Matthieu qui dit « non, non mais on ne peut pas s’arrêter là, on continue, on avance, on verra, on marche, et donc ça tout ça se passe en l’espace d’une minute. On marche très sincèrement je pense montre en main 45 secondes.
Là ça retrottine, ça retrottine, ça retrottine. Au début j’insistait fortement « fait pas le con c’est une course c’est beau ..machin.. mais il y a une vie derrière aussi donc t’as un job, tu as ceci » on y va, on n’y va pas. Il m’a dit: « on y va » t’es sûr on y va ? on y va et c’était fini j’ai plus posé de questions. Il peut pleurer et peut crier, il va gérer sa douleur moi je vais gérer l’effort. Pour moi c’était une demande indirecte de Matthieu de dire: « ramène moi à l’arrivée, moi je gère le reste ».
Matthieu: ouais carrément c’était un moment au sort de l’eau et je dis cela à Hugo dans ma tête c’était fini ! Puis je ne sais pas, un quart de seconde plus tard je me suis dit mais non mais c’est pas possible on n’a pas fait tout ça on n’est pas là à la deuxième place 3e place pour abandonner maintenant !
Je me suis dit on essaye on verra on est sur le podium on va pas abandonner maintenant et au début on a marché. J’avais mal en marchant mais je me dis bon façon j’ai mal en marchant, essaye de courir ça ne pourra pas être pire donc j’ai couru j’ai mal en courant. Puis en fait en courant doucement j’avais mal donc je suis bon bah pourquoi pas essayer plus vite ça changera pas grand chose. Puis après Hugo il a bien compris le message: il a compris que là il fallait juste qu’il me ramène au bout. Et c’est ce qui c’est ce qui s’est passé.
Il a été solide aussi mentalement parce que enfin quand tu vois ton coéquipier il a le pied pété et qu’il arrive à peine à marcher ou à courir et qu’à chaque foulée au début je criais enfin il n’a pas lâché il était focus jusqu’au bout.
JM: oui quand on me raconte ça moi j’ai les poils qui se hérissent. Même s’il fait un petit peu frais mais après on les a revus à l’arrivée et ils ont laissé éclater leur joie. C’était incroyable, incroyable, tout le monde à l’arrivée vous regardez comme ça, ils n’y croyez pas quoi !
Je vous voyais encore avec le drapeau français autour des épaules etc… mais vous êtes resté cinq minutes sur la ligne d’arrivée en train de réaliser que ce que vous avez fait
Matthieu: ouais c’était à ce moment là, c’était impossible de parler quoi enfin c’était l’émotion qui ressortait nerveusement on avait été au bout de nous-mêmes les frissons… on en a pleuré on était en larmes on ne pouvait plus rien contrôler. Là il y avait rien de simulé quoi, c’était pffff tout ce qui ressortait d’un seul coup, mais c’était un bon moment quand même.
JM: vous avez vraiment grandi en tant que binôme à ce moment là aussi.
Hugo: Clairement oui ! Sur plein de trucs, sur énormément de choses. Tu… où le corps peut aller ? il y a un truc qui était assez marquant aussi là dessus c’est… ça se voit sur certaines vidéos on arrive on explose de joie tout se passe géniale tout va très très bien. Et là il ya un temps mort de cinq secondes et la: boum Matthieu par terre ! Là c’est fini Matthieu ne fait plus rien il marche plus il n’est plus debout et l’adrénaline qui retombe d’un seul coup. Tout ce qu’il était capable de faire jusque là c’était fini, parce que plus focus plus rien. Et c’est là où tu te dis mais mais la tête jusqu’où ça va quoi ?
Matthieu: c’est vrai que ça à chaque fois qu’on fait des swimrun il y fait froid, c’est dur c’est long. On se dit toujours qu’on passe par tous les états et je pense que là là on a été au bout quoi! Et enfin c’est incroyable de voir à quel point c’est la tête qui fait avancer le corps parce que si tu lui dis « shut up » je mets la douleur de côté et on avance et on verra bien.
Je ne pouvais pas imaginer ça avant cette course.
JM: donc là on ne voit pas sur sur l’écran mais Matthieu a le pied dans le plâtre. Donc il ne va pas courir demain, non il va pas courir quand même cette fois ci encore ! Donc là tu vas courir demain avec ton ami suédois …
Hugo: Max Andersson
JM: tout à fait voilà donc on vous souhaite bon courage pour demain mais on veut que tu reviennes avec Matthieu !
Hugo: Pour l’instant c’est le projet. Pas de changement, on croise les doigts pour que tout se passe bien sur la remise en place
Matthieu: il faut que ça se consolide bien
JM: Tu en as encore pour combien de plâtre ?
Matthieu: il me reste une semaine d’immobilisation du pied donc dans une semaine je pourrais reposer le pied, après il va falloir réapprendre à marcher. Ce qui n’est pas une mince affaire et puis j’espère pouvoir recourir au bout de 3 mois 3 mois et demi post ÖtillÖ, ça prend un peu de temps mais on sera là
JM: ok on suivra ca de près et puis merci pour l’interview à bientôt !
Matthieu & Hugo : merci Jean-Marie, comme d’hab, super !
Instagram @hugo_newcal @trimatt19
Crédit 📷🎥🎙️✍️ Akunamatata / ÖtillÖ