Interview

Interview Pontus Lindberg, George Bjälkemo Athletes – All the way: The Making of a Swimrun Champion

En 2018, la paire suédoise Pontus Lindberg et George Bjälkemo a réussi l’exploit de gagner toutes les manches de coupe du monde OtillO dans lesquelles elle s’était engagée. C’est avec ce statut d’épouvantail qu’ils ont été choisi pour être les « acteurs » principaux du film documentaire « All the way: The Making of a Swimrun Champion » de Carl Eneroth. La magie du documentaire c’est que rien est écrit, tout se déroule au fur et à mesure, presque naturellement, à la fois plein de rebondissements et à la fois comme si le destin était inéluctable à force de beaucoup de travail, et de talent. Les nombreux mois de tournage caméra au poing, nous font rentrer dans la vie quotidienne d’athlètes de haut niveau mais aussi dans l’écosystème à l’origine du sport swimrun.

Le 9 juin prochain en fin de journée, Swimrun France vous proposera en streaming gratuit ce documentaire, nous accompagnerons ce streaming d’un débat d’après film avec un panel de personnalités (M.Lemmel, Pontus & George etc…)

Swimrun France: Bonjour George, bonjour Pontus, vous êtes les deux protagonistes du film documentaire « All the way: The Making of a Swimrun Champion » réalisé par Carl Eneroth (voir son ITW ici). Avant de rentrer dans le vif du sujet, pourriez vous nous dire comment vous êtes vous rencontrés ? Quel sont vos parcours sportif et professionnel avant ce documentaire ?

Pontus Lindberg: J’ai un passé de triathlète (et de nageur dans mes jeunes années). J’étais un pro sur le circuit Ironman avant de basculer vers le swimrun. Mes principales performances étaient un titre de champion de Suède longue distance (Ironman) et une victoire au championnat du monde longue distance par équipe pour la Suède. George et moi pratiquions dans le même club de triathlon, c’est à ce moment là que nous avons discuté de bâtir une éventuelle équipe de swimrun. Mon autre carrière est d’abord être papa, et en tant qu’ingénieur je travaille pour une entreprise de conseil qui, heureusement pour moi, est très compréhensive en me laissant du temps pour ma carrière sportive depuis de nombreuses années.

Georges Bjälkemo: J’ai basculé vers le swimrun en 2016, et j’étais très content de le faire en équipe avec Pontus. Comme Pontus, j’ai un passé de triathlète pro longue distance ironman. Mes résultats principaux étant un 5ème place à l’Ironman 70.3 Austin en 2013, 6ème à l’Ironman 70.3 Raleigh en 2015 ainsi qu’une victoire au championnat du monde ITU longue distance par équipe pour la Suède. Nous nous sommes connus dans l’équipe de Suède ainsi que dans le club de triathlon local. À coté je suis le père de deux enfants, et je travaille dans le secteur publique comme avocat.

SRF: Lorsque Carl Eneroth vous a parlé de son projet de film documentaire, as tu réalisé l’échelle et la portée du projet ?

PL: Non, Carl a une façon bien à lui d’aborder ce travail, en commençant sans vraiment de plan établi et puis ensuite découvrir l’histoire à raconter. Donc l’échelle et la portée n’étaient pas claires avant que nous visionnions les pré montages.

SRF: Etait ce compliqué de partager avec Carl à la fois l’entrainement, la vie sociale ou même familiale puisque le documentaire voulait mettre en perspective le swimrun comme style de vie ?

GB: Non, c’était assez facile. Nous nous somme mis d’accord sur le fait de que Carl devrait s’adapter à nos sessions d’entrainement, nous avions juste à le prévenir de la nature de l’entrainement, du lieu et de l’horaire. Après il avait le choix de pouvoir tourner telle ou telle séance. Le cousin de Carl faisant partie de notre groupe d’entrainement (Kraken Swimrun), il nous a mis en contact. Comme tu le sais maintenant Carl est vraiment cool, très sociable, nous n’avons eu aucun souci pour qu’on s’entende bien immédiatement. À l’heure actuelle il fait partie à part entière du groupe d’entrainement, même s’il n’est pas très assidu (lol) La routine matinal de natation en bassin à 5h du matin n’était pas sa tasse de thé, mais il a finalement pu s’y habituer.

SRF: Au fur et à mesure que s’égrènent les mois, avec ses hauts et ses bas (blessure), t’es tu demandé si le swimrun était plus qu’un simple sport, au point de s’y identifier ?

PL: J’ai quitté le triathlon parce qu’il était devenu bien plus qu’un sport, presque un travail. Comme tu le dis, c’est plus comme si c’était devenu mon identité. Alors c’est bien la dernière chose que je veux qu’il arrive avec le swimrun. J’ai eu quelques doutes avec mon accident à la jambe, mais je crois qu’on a bien réussi à gérer cela en gardant l’entrainement à un bon niveau.

SRF: « All the way » fait référence au chemin semé d’embûches du « héros » que nous sommes tous à un point de notre vie, as tu eu l’impression que tourner ce film a fait de toi un meilleur athlète ?

GB: D’un point de vue personnel, je ne l’ai pas vécu sous cette perspective. Il n’y a pas vraiment de différence lorsque l’on est ambitieux dans n’importe quel domaine. J’aime juste le cheminement d’un athlète car il met en jeu aussi bien l’aspect mental que physique. J’apprécie aussi la combinaison d’une absolue concentration et dispersion en même temps. Cependant le film a pu me faire prendre conscience de choses là.

SRF: Dans les sports d’endurance outdoor, nous savons que la Nature, la lIberté de mouvement sont prépondérants, mais ce qui m’a interpellé dans ce documentaire était le sens aigu de camaraderie à la fois dans votre communauté et de votre binôme. Quel est cette chose unique que le swimrun a de plus ?

PL: La plupart des sports d’endurance, sauf le swimrun, sont des épreuves solo, c’est aussi la raison pour laquelle j’aime le swimrun. George et moi, non seulement concourrons ensemble mais nous nous entrainons sept jours par semaine ensemble. Ça fait énormément de temps pour discuter, et je ne compte pas l’obligatoire temps passé à la « fika » (café et beignet à la cannelle). Nous avons aussi nos amis du Kraken Swimrun avec qui nous nous éclatons.
Tout ce temps passé en semble fait qu’en mode compétition, nous sommes vraiment au diapason. À tel point que lorsque vous visionner les vidéos, même nos foulées sont synchronisées. Lorsque nous courons, un simple regard suffit pour savoir quand attaquer ou autre.
Et aussi les longues séances de triathlon solo font désormais partie du passé.

SRF: Pendant les nombreux mois du tournage, comment as tu réussi à rester le plus naturel possible ?

GB: Carl était la plupart du temps en retrait, et à part les interviews, nous faisions notre vie. Nous étions aussi souvent ensemble, sur une période qui s’est grandement étirée dans le temps.

SRF: De ton point de vue d’athlète de l’élite, vois tu une croissance assez significative de ce sport pour attirer l’attention des media ? Cela pourrait il autoriser de vivre financièrement du swimrun ?
PL : La couverture média des épreuves a tendance à être assez large, préférant suivre l’entièreté du peloton, au lieu de se concentrer à l’avant où se joue la dramaturgie de la victoire. C’est plutôt sympa pour la famille et les amis des coureurs, mais pour attirer une audience plus large, il faudrait porte l’attention sur les équipes à l’avant où se trouve toute la dynamique de la course. Il se passe un tas de choses à l’avant et seule une petite fraction arrive au spectateurs. Bien sûr il y a une raison économique, cela demande des moyens de production importants pour assurer une couverture à l’avant. Pourtant il est nécessaire de faire ce pas afin de faire croitre l’intérêt de ce sport au delà de ceux qui pratiquent.

Si l’on fait la comparaison avec le triathlon format Ironman, le swimrun a tendance à ne pas considérer les élites comme des ambassadeurs du sport. Et c’est dur de montrer nos partenaires commerciaux avec la couverture médiatique telle qu’elle est actuellement. De surcroit, les primes (ndlr. de victoire) allouées aux athlètes ne sont pas raisonnables, même aux championnats du monde. Tant que tout cela restera à ce niveau, c’est dur d’envisager une carrière professionnelle à plein temps.

SRF: Quels sont les partenaires qui vous supportent en tant qu’athlètes ?

GB: Head et Access Rehab étaient à nos cotés depuis le début et il le resteront quoiqu’il arrive. Pendant la pandémie, c’était dur, et compréhensible, pour les sponsors de continuer à s’engager. Avec aucune course, même qu’avec les élites, l’intérêt pour le swimrun s’est amenuisé et nous avons dû faire face à la perte de quelques partenaires. Nous sommes taillés pour performer sur les courses et moins sur les réseaux sociaux. Sans les courses on s’est retrouvé un peu dans le vide. S’il y a des sponsors qui veulent se déclarer pour être sur notre nom d’équipe, vous êtes les bienvenus !

SRF: Merci d’avoir accepté cette interview qui a permis d’entrevoir vos personnalités. J’espère que cela convaincra la communauté française de swimrunner de voir ce documentaire de multiple fois primé dans divers festivals, avec vous deux en tête d’affiche !

👉 Insta account @tripontus @georgebjalkemo

📷 crédit photo Pierre Mangez / OtillO