La Gravity Race d’Annecy, l’ivresse des éléments
La 5ème édition d’une des doyennes des swimrun de l’hexagone, la Gravity Race d’Annecy a eu lieu le 10 octobre 2020. Réputée difficile, elle n’a pas démérité sa réputation avec plus de 32.5 Km de course à pied / 11.30 Km de nage et 10 Transitions sur l’épreuve Longue distance. C’est pas moins que les vainqueurs du jour Arnaud Winkelmann et Florian Schäfer qui se collent pour nous raconter leur journée vu de l’avant. Néanmoins, nous vous proposons à la suite aussi l’interview de la sympathique Team “La paire de Robert” engagée sur la distance courte: 20.23 Km de course à pied / 4 Km de nage, 7 Transitions, avec à la clé une belle surprise ! Engagée qu’on vous dit la paire de Robert !
Encore une aventure épique bouclée ce week-end. Après les magnifiques épreuves de Engadin et du JuraSwimRun, hier [NDLR: le 10 octobre 2020] avait lieu la Gravity Race du lac d’Annecy avec ses 11,3 km de natation et 33km de course à pied (2000m D+).
Changement de décors, changement de profil d’épreuve, changement de binôme. Pour moi, tout nouveau tout beau, et donc, en tout logique j’étais ultra méga chaud ! À ce petit jeu, mon partenaire de course, Arnaud Winkelmann me laissait présager des sections natation de feu. Nos dernières séances partagées (bassin ou lac) nous ont confirmé un niveau de performance égal. En plus d’une homogénéité parfaite, les derniers chronos confirmaient un état de de forme rassurant.
Le départ
Départ : La corne de brume retenti à 7h sur les bords du lac à Veyrier. Départ en nocturne pour une traversée en largeur en direction de Sevrier : 2,4km. L’ambivalence de ce que je ressens donne une dimension unique à ce moment. L’excitation de la découverte de nouveaux horizons se mêle au stress induit par des conditions de course qui promettent de ne pas être faciles. Malgré les derniers repas « post compétitions » riches en calories dans le but de faire un peu de « gras », je redoute le lent travail de sape de l’eau fraîche (15° / 16°) qui pourrait réduire à néant l’objectif.
Assez rapidement, nous nous retrouvons aux avants postes pour mener la natation. Nous suivons la lanterne du kayak ouvreur malgré l’intuition de vraiment trop « tirer » à droite. Le tir est rectifié en fin de section, et nous sortons de l’eau dans des chronos légèrement supérieurs à nos prévisions. 2,550km au GPS, pas de doute, notre trajectoire n’a rien de rectiligne. Qu’importe, la course ne vient que de commencer…
La sortie de l’eau de Sevrier nous engage dans une successions de « Swim » et de « Run » plats le long du lac en direction de Duingt. Toutes les natation se font de front, au diapason. Les parties pédestres roulantes nous confirment un bon état de forme. Régulièrement à 15 km/h, on profite pour dérouler. On sait que ça ne va pas durer.
Duingt – Angon : Les conditions climatiques se détériorent avant notre arrivée sur le pont de Duingt en vue de la 2ème traversée en largeur ayant pour but de nous ramener sur la rive initiale. Vent, pluie, houle… la natation devient rugueuse, difficile. Je sais que mon partenaire du jour affectionne. J’approuve. Cette sensation d’avoir le la chance d’évoluer dans cet environnement privilégié ne me quitte pas. Ça chahute, ça secoue, et cette impression d’être au contact des éléments en devient presque enivrante…
L’ascension
La sortie d’eau rime avec ascension vers le chalet de l’Aulp, et là, on ne sait pas trop où l’on va mettre les pieds. Notre confortable avance de 10′ à ce point de passage nous permet néanmoins de s’engager sereinement dans la montée.
Vers l’Aulp : D’abord très pentue, les pourcentages se réduisent par moment pour laisser place à quelques parties roulantes. On continue de gérer, l’ascension va bon train. L’entente au sein du binôme c’est le nec plus ultra. Toutes les planètes étaient alignées… jusqu’à une rubalise« tendancieuse » qui nous engage d’un coup dans une descente. Ça tergiverse, et après quelques dizaines de mètres nous remontons pour s’assurer d’être en présence de la balise. Après validation, nous abordons la descente malgré le pressentiment que la situation est incohérente. Sur les courbes de dénivelé, pour monter à l’Aulp ça ne descend pas. L’arrivée sur une route déserte nous confirme que notre intuition initiale était la bonne. Nous remontons, et c’est un peu la panique à bord. Retour à la balise « foireuse », puis retour au croisement situé juste avant pour se rendre compte que nous n’avions pas vu les rubalises sur notre droite. Évidemment, à ce croisement, nous avons vu la balise qu’il ne fallait pas voir. Deux planètes « perchées » peuvent rapidement briser un ensemble de planètes alignées.
Arrivés sur le « lieu du crime » à 2h30 de course, nous en repartons à 2h42, pour se rendre compte que le binôme de chasse est bel et bien là. On a mangé nos 12′ d’avance, les cartes sont rabattues, retour à la case départ. Au tandem Schäfer – Winkelmann, il faut juste lui demander de nager, pour
le reste il faut les oublier.Un peu énervés, nous repartons vers le sommet tambours battants. Notre redescente n’est ni lente, ni tonitruante. On essaie de dérouler sans trop casser de fibres musculaires en vue du reste des km à effectuer. L’arrivée à Talloires se fait sans encombres.
« Big Swim » : 2,8km ! La mise à l’eau à Talloires engage le long de la côte sauvage en direction de Menthon. C’est le « big swim » de l’épreuve avec ses 2,8km. J’attendais le moment venu avec impatience jusqu’au moment de se mettre à l’eau, qui nous a semblé plus froide que sur la rive opposée.
Évidement, ayant oublié mon petit cerveau un peu plus haut, je pars sans « re zipper » la combi. L’animal Winkelman nage déjà devant, et les quelques secondes que je perds m’imposeront une accélération franche pour revenir « dans les pieds ». Le mec n’est pas là pour trier les lentilles. Les bras explosés, je suis incapable de passer. Sur plus de 1,5km, je suis dans l’obligation de rester dans « l’aspiration » pour me refaire la cerise. Passé la mi parcours, nous reprenons notre schéma : « natation de front, au diapason ».
« Hey gros, là je commence à être gelé, j’en ai plein le cul de nager »
Menthon – Veyrier : La sortie à Menthon nous engage à nouveau sur une successions de natation entrecoupées de petits Run (650m et 350m). À la sortie du Big Swim, j’ai un peu envie de discuter : « Hey Gros, ça y’est, je n’ai plus trop envie de nager ! ». Il doit aussi avoir un peu envie de me répondre : « Hey gros, moi non plus, je n’ai plus trop envie de nager ! ». A ce moment, on prend conscience de la dimension philosophie de nos échanges, probablement induits par le froid.Le retour vers Veyrier en enchainant les mises à l’eau va apporter son lot de poésie à un dialogue de philosophe de haut niveau : « Hey gros, là je commence à être gelé, j’en ai plein le cul de nager ». Arnaud acquiesce. Il me rassure. Vraiment un bon gars mon copain Arnaud.
Le mont Veyrier (9km) : Voilà une section course à pied que l’on pensait être une formalité. Après la montée vers le chalet de l’Aulp et ses 1000m de D+, on pensait que les 900m de D+ restants serait un copié / collé. Après presque 6h d’épreuve, la montée se révéla être un peu plus poussive… Mais, c’est surtout aux niveau des crêtes au sommet et de la descente que la douche, sans jeu de mots, est devenue froide. Escaliers, cailloux, boue… bonjour la la technicité. Heureusement que notre avance nous a permis d’aborder cette section avec la plus grande prudence. A ce moment, quel confort de ne pas être à la bagarre. Alors, certes nous y avons laisser de précieuses minutes, néanmoins, nous avons pu savourer le plaisir de garder nos chevilles et nos genoux entiers.
L’arrivée
Finish : après une dernière section natation (600m) pour se laver, et une dernière section course à pied (300m) pour savourer, la boucle « Gravity Race » est bouclée. Que dire à part que l’on s’est franchement gavé. En cette période « pauvre en dossards», ce fût un vrai privilège de prendre part à cette épopée.
Bravo à mon binôme qui malgré un début de saison compliquée arrive aujourd’hui en grande forme, et probablement à son meilleur niveau tant en natation qu’en course à pied. Bravo à tous les finishers. Merci à l’organisation et à tous les bénévoles de nous offrir la chance de venir nous dépouiller.
Florian Schäfer 👉 Instagram
Interview de “La paire de Robert – Gravity Race distance M” 👉 Stéphane Robert / Alexandra Hesse
Swimrun France: Bonjour Stéphane, Alexandra
Stéphane Robert / Alexandra Hesse: Bonjour Swimrun France
SRF: Vous avez choisi comme nom de team « La paire de Robert » , c’est certainement un trait d’humour, cela dénote t-il aussi une façon de dédramatiser cette course exigeante ?
SR/AH: Oui c’est exactement ça. En fait c’est la première fois qu’on fait une épreuve ensemble en couple. Le nom est venu comme ça au moment de l’inscription. Un peu d’humour permet de prendre les choses un peu plus à la légère. On savait que la course allait être difficile.
SRF: Comment s’est passée la course ?
SR/AH: La course s’est plutôt bien passée dans l’ensemble. Un bon départ (on avait reconnu la première section de CAP la veille), une traversée du lac sans problème et après les enchainements jusqu’au mont Veyrier sans difficulté. L’ascension du Veyrier en revanche nous a paru interminable. On s’était fixé 6 h max pour faire la course et à 6h de course on était encore au sommet du Mont Veyrier. La descente n’était pas non plus une partie de plaisir. La fatigue et le sol très instable ont été le gros morceau de la journée.
SRF: Stéphane, je suppose que tu étais le seul au courant de la petite surprise à l’arrivée ?
SR : Oui. J’ai décidé ça une semaine avant. J’attendais un moment propice pour faire ma demande et je me suis dit que l’arrivée de cette course serait un moment parfait. Je connais bien la Gravity Race d’Annecy. C’était ma 4e participation. Je savais que cette épreuve laissait des souvenirs inoubliables. En plus on est amoureux d’Annecy tous les 2. On compte s’y installer d’ici quelques années. D’ailleurs le mariage aura lieu dans les environs d’Annecy.
SRF: Du coup, quand même grosse pression pour être finisher, tout en gardant de bonnes relations lors de l’épreuve Lol ?
SR: Alexandra était venue m’encourager à ma 2e participation et avait très envie de le faire avec moi. L’année dernière j’ai fait le long avec un ami. Quand on a su qu’il y avait une version M (NDLR: courte distance , Alexandra m’a dit qu’on devait le faire ensemble. On s’est entrainé 2 fois seulement ensemble. Je savais que la course allait être exigeante et qu’il fallait finir à tout prix. Alexandra est une battante et je savais qu’elle tiendrait jusqu’à l’arrivée. J’ai aussi veillé à garder un bon moral jusqu’à l’arrivée malgré quelques moments de fatigue. Avant la dernière natation je l’ai prévenu que Baptiste (mon fils complice qui participait également à la course) nous attendait pour prendre des photos et qu’il fallait qu’elle se fasse belle ! Elle a rit évidemment. Comment être belle après tout ça ! En sortant de l’eau je lui ai redit de se faire une beauté. Elle ne se doutait absolument de rien.
La pression était aussi du côté de Baptiste. Il ne devait pas se blesser et arriver avant nous (ça c’était déjà plus sûre).
SRF: Surprise totale pour toi Alexandra lorsque Stéphane s’est comporté de façon étrange à l’arrivée ?
AH: Quand Stéphane m’a demandé de me faire belle pour l’arrivée je me suis dit qu’il exagérait un peu dans l’état où on était… On a passé la ligne d’arrivée et là j’étais tellement contente et fière d’avoir réussi cet exploit ! Je ne m’attendais pas à ce qui allait suivre… J’ai vu Baptiste avec une affiche. Je n’ai pas eu le temps de lire mais je croyais que c’était un mot de félicitations pour la course. J’ai vu le mot “épouser”. Je me suis dit : “c’est quoi ça ?” . Stéphane s’est mis à genou et m’a présenté la bague au même instant. Là j’ai été submergée. J’étais loin d’imaginer cette demande à ce moment là.
SRF: Stéphane, as tu couru toute la course avec la bague ?
SR: Non. La bague était bien rangée. Mon fils était complice. Il est venu à notre rencontre peu avant l’arrivée et m’a donné la bague. J’avais aussi préparé une petite affiche qu’il était chargé de déplier à notre arrivée.
SRF: On comprends désormais pourquoi la team s’appelle maintenant la paire de Robert, n’est ce pas ?
SR/AH: Exactement. Un ami qui l’a fait aussi nous a filmé juste avant l’arrivée et dit sur la vidéo : “ça se mérite un Robert” ! C’est sûre qu’à nous 2 on fait une belle paire !
👉 crédit photo Baptiste Soulé / Yan-Gaëtan Olivo