Swimrun : Lorsque le binôme entre en résonance
J’ai remarqué une tendance en cette fin de saison de Swimrun. De nombreuses équipes élites du circuit ÖtillÖ changent allègrement de partenaires peu après l’échéance des championnats du monde de septembre. Beaucoup d’athlètes cherchent la nouveauté: de nouveaux parcours, de nouveaux partenaires, de nouvelles pistes d’amélioration de performance, de nouvelles expériences somme toute ?
le parcours comme partition
Une discussion récente avec Mats Skott & Johanna Edin (ÖtillÖ Race director & Race production) faisant l’analogie d’un tracé de parcours swimrun avec une partition de musique m’a inspiré quelques pensées tirées de mes lectures d’Harmut Rosa. Ce penseur contemporain, féru de sociologie et philosophie décrypte avec passion notre société moderne et notamment avec son concept de « Résonance ».
D’après Mats et Johanna, si l’alternance de nage et course à pied représentent les gammes et les accords majeurs d’une partition, alors d’après moi les notes et harmonies symbolisant le binôme et la nature résonneraient d’une symphonie qu’Harmut Rosa ne renierait pas.
en tant que swimrunners vous êtes des existentialistes
Comme de nombreuses pratiques de pleine nature, le swimrun possède intrinsèquement une bonne dose d’aventure où le binôme doit faire sa propre quête de sens tel un chevalier de l’ère moderne. Le script d’une course swimrun n’est pas écrit à l’avance tant l’équipe se mesure parfois à un adversaire naturel incommensurablement plus fort. L’aventure, du latin adventura (ce qui doit arriver), est la bien la marque de fabrique de notre sport, s’adapter, s’entraider, changer ses plans en fonction des évènements. Le destin, si cher aux grecs anciens, imposé par les dieux à l’homme, n’intéresse guère le swimrunner qui lui veut vivre une expérience inédite, unique néanmoins partagée à deux. Vous êtes prévenus: en tant que swimrunners vous êtes des existentialistes !
La corde unissant le binôme peut elle aussi entrer en résonance tel un instrument de musique ?
Mais ce n’est pas tout, vous êtes de surcroit des romantiques. De fait, le binôme doit à la fois être dans l’action (se mouvoir à travers les éléments) mais être aussi touché par la beauté de la nature, Harmut Rosa parle ainsi de “résonance verticale” quand le duo « converse » avec la nature au point même de n’en plus être « séparables ». La corde unissant le binôme peut elle aussi entrer en résonance tel un instrument de musique ? Harmut Rosa définit ainsi une “résonance horizontale” entre les personnes.
Pas à pas nous arrivons au concept complet de Résonance, tel que le définit le philosophe allemand, qui pour moi explique l’engouement certain du swimrun auprès des amoureux de nature et d’aventures. Pour Rosa, il faut au final quatre critères à satisfaire:
- affection (être touché par le monde naturel, art, musique, une personne etc..)
- auto efficacité (adaptation, non planification)
- transformation (production d’une expérience nouvelle, émergence)
- indisponibilité (rareté, ne s’achète pas sur commande)
Le swimrun est une activité qui met en contact le sujet avec la nature, dans toute sa diversité et sa beauté. Le swimrunneur est touché par les paysages qu’il traverse, par les sensations qu’il éprouve, par les défis qu’il relève.
Le swimrun est une activité qui crée de l’écho entre le sujet et la nature, mais aussi entre les partenaires du swimrun. Le swimrunneur répond au monde en s’adaptant, en explorant, en s’émerveillant, et il communique avec son binôme, en s’entraidant, en se motivant, en se synchronisant.
Le swimrun est une activité qui transforme le sujet et la nature, dans le sens d’une harmonisation et d’une valorisation. Le swimrunneur se transforme en développant ses capacités physiques, mentales, émotionnelles, et il transforme la nature en la respectant, en la protégeant, en la faisant connaître.
Le swimrun est une activité qui maintient l’ouverture du sujet et du monde, en offrant de nouvelles opportunités, de nouvelles expériences, de nouvelles rencontres. Le swimrunneur reste ouvert à la surprise, à l’imprévu, à l’inconnu, et il contribue à l’ouverture du monde, en le rendant plus accessible, plus vivant, plus riche.
En conclusion, peu importe le type de résonance, horizontale, verticale, diagonale… pourvu que l’expérience soit unique, imprévisible, partagée et qu’elle nous transforme. Cela signifie que si nous touchons le monde, il nous répond. Dès lors nous sommes en vie et maitre de notre destin. « Il suffit d’écouter le vent pour savoir s’il on est heureux » – Adorno